Terre de liens alerte sur la financiarisation des terres agricoles
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Dans un rapport présenté le 27 février 2023 au Salon de l’agriculture, Terre de liens tire la sonnette d’alarme au sujet de l’influence grandissante des sociétés financiarisées sur les terres agricoles. Le mouvement formule plusieurs recommandations et appelle le Gouvernement à inclure cet enjeu dans la future loi d’orientation et d’avenir, en cours de construction.
« Nous sommes à un carrefour : si nous poursuivons sur cette tendance, nous allons vers une agriculture sans agriculteurs », assure Tanguy Martin, chargé de plaidoyer chez Terre de Liens, le 27 février au Salon de l’agriculture. Le mouvement présentait, ce jour, son second rapport sur l’état des terres agricoles en France . Un travail qu’il était devenu impératif de mener selon Coline Sovran, coordinatrice du rapport : « 65 % des terres sont travaillées par des agriculteurs qui les louent à des tiers, dont on ne connaît pas grand-chose, car la dernière étude statistique concernant la propriété des terres agricoles date de 1992 ! »
Les chiffres mis en avant par le document témoignent d’un morcellement des terres. Si la France compte 496 000 agriculteurs, elle possède également 4,2 millions de propriétaires de terres agricoles. « La terre s’est éloignée de ceux qui la travaillent, regrette Coline Sovran. Ce sujet doit être approfondi, à l’heure du renouvellement des générations à opérer, et alors que près de 13 millions d’hectares, soit la moitié de la SAU, appartiennent à des personnes âgées de plus de 65 ans. »
Boom des sociétés financiarisées
Un constat accolé à celui, jugé comme encore plus alarmant par Terre de liens, de l’irruption des sociétés agricoles chez les propriétaires terriens. Le nombre de ces sociétés a ainsi doublé en trente ans. Parmi elles, les sociétés financiarisées contrôleraient 14 % de la SAU, dont 640 000 hectares de manière directe, c’est-à-dire en propriété. Ces dernières regroupent des sociétés à capital ouvert, permettant à des investisseurs non agricoles de prendre le contrôle des fermes.
« Elles se développent via un marché parallèle des parts de société, qui échappe au contrôle des Safer, qui ne penvent intervenir qu’en cas de vente de 100 % des parts d’une exploitation », explique Tanguy Martin. Au moins 200 000 hectares transiteraient chaque année par ce biais. « Cela pose un risque de déqualification du métier, car les agriculteurs sont remplacés par des salariés agricoles, mais aussi d’industrialisation de l’agriculture, verrouillée sur le long terme, car ces entreprises ne partent pas à la retraite », insiste le chargé de plaidoyer.
Peser dans les négociations sur la LOA
Face à cette situation, Terre de liens formule quatre recommandations à l’attention des pouvoirs publics :
- assurer la transparence de propriété et d’usage des terres, via notamment la création d’observatoires des terres agricoles aux niveaux national et européen, ou encore la publication d’études foncières régulières ;
- inciter les propriétaires à maintenir la vocation agricole de leurs terres, en supprimant par exemple les plus-values foncières réalisées par les propriétaires en cas de changement d’usage ;
- renforcer la régulation sur les terres agricoles, en développant une gouvernance du foncier plus participative et respectueuse des équilibres du territoire ;
- favoriser le portage foncier non lucratif pour les installations en, notamment, dirigeant les soutiens financiers et l’investissement public en priorité vers les structures de portage qui sont non lucratives, apportent un appui durable aux agriculteurs installés, soutiennent le développement des modèles agroécologiques et respectent l’autonomie des fermiers.
De manière plus générale, Terre de liens souhaite que les enseignements de son rapport soient pris en compte dans les réflexions menées dans le cadre de l’élaboration de loi d’orientation et d’avenir. « Ce sujet doit être considéré dans la LOA, nous ne sommes pas du tout assurés de cette intégration aujourd’hui », regrette Tanguy Martin.