Référence agro

Carbone dans les sols, 86 % du défi 4 pour 1000 se situent en grandes cultures

Le | Recherche-developpement

Stocker du carbone pour compenser les émissions de gaz à effet de serre (GES) et rafraîchir la planète. Lancée en 2015, l’initiative 4 pour 1000 se veut très théorique (voir ci-dessous). Jeudi 13 juin à Paris, l’Inra a fait un pas vers l’application pratique, en présentant les résultats de son étude « Stocker du carbone dans les sols français : quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1000 et à quel coût ? », commanditée par l’Ademe et le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. L’étude a mobilisé plus de 30 scientifiques et experts pendant deux ans.

86 % du potentiel en grandes cultures

Le potentiel de stockage additionnel, c’est-à-dire en plus de la tendance actuelle, de carbone dans les sols agricoles et forestiers français pour 2050, est de 1,9 ‰ par an. Sur les surfaces agricoles seules, celui-ci est évalué à 3,3 ‰, et 5,2 ‰ en se concentrant uniquement sur les grandes cultures. « L’essentiel des possibilités de stockage additionnel, soit 86 %, se trouve dans les systèmes de grandes cultures, car c’est là ou les stocks sont plus faibles », explique Sylvain Pellerin, directeur de recherche Inra et copilote scientifique de l’étude.

Protéger les forêts et les prairies permanentes

À l’inverse, là où les stocks sont élevés, principalement en forêt et prairies permanentes, il est difficile de les augmenter. L’enjeu est alors de les protéger. « Si dans 30 ans, la France retourne un quart de ses surfaces en prairies permanentes, alors le stockage additionnel permis par l’adoption de pratiques stockantes en grandes cultures serait annulé », prévient Sylvain Pellerin. Au total, l’adoption de toutes les pratiques préconisées, sans changement d’usage des sols, pourrait compenser près de 7 % des émissions françaises de GES, soit environ 40 % des émissions agricoles. « Pour un pays industrialisé comme la France, l’objectif 4 pour 1000 ne peut être qu’un complément à la réduction des GES pour atteindre une neutralité carbone », continue le chercheur.

L’extension des cultures intermédiaires, la bonne pratique

Six pratiques sont identifiées par les scientifiques pour favoriser le stockage additionnel de carbone : l’extension des cultures intermédiaires, l’agroforesterie intraparcellaire (tous les 24 mètres sur les parcelles à sol profond), l’insertion et l’allongement des prairies temporaires, l’apport de nouvelles ressources organiques (compostage ou méthanisation) à égalité avec le semis direct, et la plantation de haies. « Ces résultats relativisent l’intérêt des pratiques basées sur une réduction de la minéralisation du carbone [au profit de son humification, pour stocker plus de carbone dans les sols, NDLR] comme le semis direct ; au contraire, ils confirment le bénéfice d’augmenter les entrées de carbone, avec finalement peu d’importance sur la nature du carbone entrant », complète Sylvain Pellerin.

Ne pas intensifier les prairies et remplacer la fauche par la pâture

Pour les prairies permanentes, seule la substitution de la fauche par du pâturage apporte un gain additionnel de carbone. L’intensification modérée des prairies, c’est-à-dire une augmentation de la fertilisation, ne présente finalement pas d’intérêt : les émissions de GES liées à la fabrication et à l’apport d‘engrais sur la parcelle annulent le stockage additionnel de carbone permis par la technique.

L’incertitude sur l’évolution tendancielle des stocks de carbone des sols agricoles, sans changement d’usage, reste cependant toujours présente : comment le stockage se comporte-t-il dans le temps et quand apparaît sa limite ? Le ré-échantillonnage en cours des parcelles du réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS), opéré par le GIS Sol pour 2020, devrait apporter des réponses.

  • Comment se calcule le 4 pour 1000 ?

Le monde émet l’équivalent de 8,9 milliards de tonnes de carbone par an en GES. Les puits de carbone terrestres et océaniques en absorbent 5,4 milliards de tonnes. Les 3,5 milliards de tonnes restantes doivent donc être stockés. Dans les 40 premiers centimètres du sol, les stocks mondiaux de carbone s’élèvent à 820 milliards de tonnes : rajouter 3,5 à 820 milliards correspond à une augmentation de 4,3 ‰ des stocks de carbone de la planète.