Agriculture-biodiversité, une connexion qui cherche sa place dans les régimes alimentaires
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À l’occasion de ses dix ans, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) organisait, le 27 septembre, une journée de débat. Le fil rouge, abordé par les intervenants des conférences et tables rondes ? L’impact des régimes alimentaires sur la biodiversité.
Politique : un mouvement jugé trop lent
« La définition d’alimentation durable, telle que définie par la FAO, comprend la notion de protection et de respect de la biodiversité et des écosystèmes », note Nicole Darmon, directrice de recherche à l’Institut de la recherche agronomique, Inra. Une ligne directrice qui ne trouve pas assez d’écho dans les politiques agricoles, selon d’autres participants. En la matière, le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Allain Bougrain-Dubourg se dit fortement déçu par le contenu de la loi issue des EGA, « pas en rapport avec les aspirations des citoyens. » La référente agriculture de France nature environnement (FNE) Cécile Claveirole juge de son côté les premières tendances, concernant la Pac post-2020, « nettement insuffisantes. »
Sciences : une montée en puissance nécessaire
Si de nombreuses évaluations scientifiques concernent la biodiversité au sens large, le lien avec l’agriculture est encore rarement creusé en tant que tel. Les études présentées lors du colloque n’abordaient d’ailleurs pas directement cette thématique, les focus proposés ciblant « l’usage des terres » et « l’impact carbone ». « Comment informer efficacement les consommateurs, quand les scientifiques eux-mêmes manquent de données ? s’interroge Nicole Darmon. Aujourd’hui, l’Ademe travaille sur une base de données comptant 1300 aliments, ce qui reste faible face à l’offre actuelle. Et il ne s’agit pas de données centrées sur la biodiversité, en particulier. » Cette relative absence de référence s’explique en partie par la difficulté de mesurer efficacement les effets des pratiques agricoles sur la biodiversité.
Quid des indicateurs ? La question fait débat. Allain Bougrain-Dubourg estime que les oiseaux « sont le meilleur indicateur » et Pauline Lavoisy, chargée de programme pour l’ONG Noé évoque de son côté « la vie du sol, notamment les lombriciens ». L’enseigne La Vie Claire cherche à établir une charte d’achat comprenant des exigences en matière de biodiversité. « Nous n’avons pas trouvé d’indicateur clairement propre à la biodiversité, nous avons misé sur des indicateurs agro-écologiques plus larges », témoigne Thibault Auvergne, chargé de mission RSE à La Vie Claire. « Nous essayons d’intégrer la biodiversité dans les analyses de cycle de vie (ACV) pour Fleur de Colza… c’est un exercice exploratoire, complexe », abonde Clément Tostivint, responsable développement durable chez Avril.
Consommateurs : la biodiversité, un enjeu parmi d’autres
« Une étude datée de 2017 montre que la biodiversité est la deuxième préoccupation des Français quand on les interroge sur la consommation durable, devant le climat », rappelle Pauline Lavoisy. Clément Tostivint, témoigne : « La démarche Fleur de Colza qui traitait initialement de la traçabilité, s’ouvre à d’autres sujets dont, depuis deux ans, la biodiversité. Et ce, notamment sous l’influence des enseignes de distribution, qui jouent le rôle de prescripteurs, en réponse aux signaux de la société. » Thibault Auvergne relativise toutefois : « Cela reste une attente parmi d’autres : produits locaux, végétariens, sans pesticides… » Et toutes ces exigences ne vont pas forcément dans le même sens. « Le zéro résidu de pesticides n’implique pas forcément des pratiques meilleures pour la biodiversité », rappelle Pauline Lavoisy.