Pollinisation, phyto et colza, Terres Inovia bat en brèche la récente étude CNRS-Inra
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Publiée le 9 octobre dans Proceedings of the royal society London B, une étude menée par des chercheurs de l’Inra et du CNRS a beaucoup fait parler d’elle dans la semaine qui a suivi. Elle compare les contributions des pollinisateurs, d’une part, et des pesticides, de l’autre, à la rentabilité du colza. Entre 2013 et 2016, dans les Deux-Sèvres, 294 parcelles ont été suivies, dont 85 ont fait l’objet d’observations plus poussées concernant le rôle des pollinisateurs.
L’étude aboutit à cette conclusion : si les pesticides et les pollinisateurs contribuent tous les deux à un meilleur rendement, la pollinisation par les abeilles permet une rentabilité économique plus élevée. « Cette meilleure rentabilité s’explique par l’absence de coûts des solutions fondées sur la nature par rapport aux produits phytopharmaceutiques, et ces derniers n’augmentent pas suffisamment les rendements pour contrebalancer leur coût », analyse Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS, interrogé par Référence environnement.
Terres Inovia nuances les conclusions tirées sur les abeilles…
Pour Terres Inovia, les enseignements de ce travail doivent être abordés plus finement. L’étude évoque ainsi un gain moyen de 1,1 q/ha par genre de pollinisateur supplémentaire présent dans une parcelle. « Le rendement est rendu variable par tellement de facteurs qu’il aurait été souhaitable de donner une fourchette autour de ce gain moyen, explique David Gouache, directeur de recherche de l’institut technique. De plus, l’étude aborde le nombre de pollinisateurs par parcelle sans la notion d’incertitude. Il n’est pas évoqué la possibilité qu’une parcelle considérée comme comprenant trois types de pollinisateurs puisse en avoir en fait seulement deux, ou quatre… » Or, ces mesures de précaution sont le plus souvent intégrées par les chercheurs au moment de faire ce type d’hypothèse.
S’il admet que cette partie de l’étude s’appuie sur une abondance de données « remarquable », et qu’elle est « conforme à ce que dit la littérature scientifique existante », David Gouache appelle donc à la nuance. D’autant que les chiffres les plus mis en avant par l’Inra et le CNRS relèvent de la comparaison des cas extrêmes. « Les + 37,5 % de rendement, très largement repris dans la presse, ne sont pas une moyenne mais le delta entre les parcelles très pauvres en pollinisateurs et celles très pourvues », insiste-t-il.
…et juge l’analyse de la contribution des intrants « inexploitable »
Selon Terres Inovia, le plus grand biais vient de l’étude des intrants, dont les pesticides, relevant « de la faille méthodologique ». « L’approche retenue pour étudier l’effet de ces intrants s’appuie sur des modèles linéaires, explique David Gouache. En clair, on estime qu’il y a une forme de proportionnalité entre la dose apportée et la contribution au rendement, alors que ce n’est pas réaliste. Plusieurs facteurs ont leur influence : la pression des ravageurs, la quantité de biomasse… » Selon lui, l’étude manque de sensibilité agronomique. « En tous les cas, les conclusions sur la contribution des intrants, et donc sa comparaison avec celle des pollinisateurs, sont inexploitables », affirme-t-il.
Terres Inovia ne veut toutefois pas de méprise sur sa prise de position : pas question de nier le rôle bénéfique des abeilles. « Oui, l’idée d’un gagnant-gagnant entre auxiliaires et pollinisateurs du colza et production est réelle, et souvent mise en œuvre ! conclut David Gouache. Et oui, l’utilisation des pesticides doit être raisonnée et s’appuyer sur des pratiques intégrant les services écosystémiques et les insectes auxiliaires, dont les pollinisateurs. » Ces remarques influenceront, peut-être, le CNRS et l’Inra, qui prolongent leur collaboration sur le thème de la pollinisation. Des protocoles en cours sur le tournesol, et l’étude du colza est maintenue sur la période 2017-2019, avec une approche « qualité de la récolte » plus poussée.