Contre les maladies, un projet de valorisation des coproduits de la vigne
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Etudier la manière dont les coproduits de la vigne, peu valorisés, peuvent protéger les cultures contre le mildiou et la pourriture grise. C’est l’objet de la thèse de David Taillis, financée par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB). Si le projet doit encore être éprouvé sur le terrain, de premiers résultats encourageants ont été enregistrés en laboratoire.
Biocontrôle, confusion sexuelle, cultures de services, … Dans le secteur viticole, de nombreuses alternatives sont à l’étude et se développent pour réduire l’utilisation de produits phytosanitaires. Une autre piste est à l’étude dans le cadre d’une thèse, débutée en 2017 et financée par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) : celle de la valorisation des coproduits de la vigne. « Les racines, les ceps, les sarments sont peu ou pas utilisés aujourd’hui. Cest une masse de matière première à exploiter », explique David Taillis, le doctorant en charge de cette étude*. L’intérêt de ces parties réside dans leur teneur en stilbènes : en moyenne 8 g/kg de matière sèche pour les sarments et 20 g/kg pour les racines. Ces molécules polyphénols, qui possèdent notamment des activités antimicrobiennes, ont été utilisées pour réaliser un extrait, dont ils représentent la moitié de la composition.
Inhibition à 50 % des maladies
Pour permettre une dissolution et une répartition optimale de l’extrait en solution sur les feuilles, une formulation a été développée, avec 300 mg d’extrait par litre de solution. Selon des tests réalisés en serre en 2018, l’application de l’extrait permet d’inhiber à 40 % le développement du mildiou. Le chiffre monte à 50 % avec la formulation. Au vignoble, les doses ont été augmentées avec 1 kg/ha pulvérisé pour maximiser l’efficacité de la solution. « Les stilbènes sont connus depuis au moins les années 1980, mais il n’y a jamais eu d’application commerciale au secteur viticole, peu d’expérimentations à grande échelle ont été menées jusqu’à présent », indique David Taillis. Et de préciser : « Un système où des coopératives pourraient se charger de récupérer ces matières premières et les transformer est envisageable, nous réfléchissons aussi à ces questions. »
Le défi des essais terrain
L’épreuve du terrain reste à franchir. Pour l’heure, les essais en vignoble ont soulevé des problèmes en termes de tenue. « Il y a un monde entre le laboratoire et le terrain », concède le doctorant. Prévue pour ce printemps, mais repoussée à cause du confinement, une nouvelle campagne d’essais terrain est prévue pour 2021. Une formulation améliorée de l’extrait sera testée. Des réflexions sont également engagées sur de potentielles combinaisons avec d’autres produits. Mais la question du prix reste complexe. Selon des travaux antérieurs, cet extrait ne devrait pas revenir à plus de trois fois le prix du cuivre pour être intégré dans la filière viticole.
Des travaux menés en parallèle contre Botrytis cinerea, le champignon responsable de la pourriture grise, suite à l’application de cet extrait (123 mg/L), ont également montré de bons résultats en laboratoire, avec une réduction de 50 % de son développement mycélien et de la germination de ses conidies. Des essais sur le vin dans un objectif de réduction de la teneur en sulfites ont aussi donné des résultats encourageants. Des études sur le millésime 2019 sont en cours.
*sous la direction du Dr Stéphanie Cluzet (Université de Bordeaux, ISVV, équipe UR Oenologie (USC Inrae), Axe MIB)