Des symbioses plante/champignons pour remplacer les engrais chimiques
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« En agriculture, s’il existe encore un peu de marge en génétique ou en génie mécanique, le curseur « chimique » est pratiquement poussé au maximum, il faut se projeter vers des alternatives. » C’est le constat de Guillaume Bécard, chercheur au Laboratoire de recherche en science végétales (LRSV), lors d’une visite du laboratoire le 7 octobre à Castanet-Tolosan (31),. Cette unité mixte de recherche, impliquant le CNRS et l’université Paul Sabatier de Toulouse, travaille dans ce sens, pour mieux comprendre certaines relations symbiotiques entre champignons et plantes.
Trouver les combinaisons plante/mycorhize efficaces
Il existe près de 200 espèces de mycorhizes « à arbuscules », champignons se fixant sur les racines de la plante pour favoriser la nutrition de celle-ci. Le mycorhize augmente la surface d’échange terre-racine, et favorise l’assimilation d’éléments difficilement accessibles pour la plante comme le zinc ou l’aluminium. Le mycorhize « travaille » également avec certaines bactéries du sol capables de solubiliser du phosphate insoluble autrement.
« On suppose que l’essentiel des plantes cultivées sont susceptibles de profiter de cette symbiose : reste à trouver les combinaisons plante/mycorhize efficaces, et les moyen de la stimuler au champ », précise Guillaume Bécard. Cette piste est assez peu développée actuellement : seuls 200 000 ha cultivés sont concernés, notamment au Canada sur soja, blé, ou encore cultures maraichères.
Rendre de l’azote atmosphérique assimilable par la plante
Autre champ d’étude : la symbiose plante-rhizobium. Dans des conditions limitées en azote, le rhizobium, autre champignon, va provoquer la création de nodules sur les racines. Ces nodules joueront le rôle d’organes d’échanges métaboliques avec certaines bactéries du sol capables de fixer de l’azote atmosphérique, et de le rendre assimilable par la plante.
A priori, seules les légumineuses seraient susceptibles d’en profiter. À moins que… « Des voies symbiotiques communes ont été détectée entre les relations plante/mycorhize et plante/rhizobium, explique Bernard Dumas, directeur du LRSV. Cela laisse imaginer que pratiquement toutes les plantes seraient configurées pour profiter des deux symbioses. Reste à le confirmer, et à comprendre comment stimuler les plantes non-légumineuses. »
Encore beaucoup de travail…
Ces pistes laissent entrevoir des solutions pour réduire l’utilisation d’engrais chimiques. Reste toutefois beaucoup de travail, pour mieux comprendre les mécanismes en jeu, puis trouver les moyens d’en user. Au-delà de la recherche publique, seules trois entreprises sont mobilisées sur ces sujets dans le monde, dont Agronutrition, basée à Toulouse. Un état des lieux qui pourrait évoluer.
« Ces deux types de symbioses sont connues depuis plusieurs dizaines d’années, mais le contexte n’était pas très porteur jusqu’à récemment, glisse un chercheur du LRSV. Comme la voiture électrique est un concept ancien qui s’est développé avec l’annonce de la raréfaction du pétrole et les enjeux climatiques, la récente prise de conscience sur la nécessité de changer nos modes de production pourrait donner un coup de fouet à ce type de recherche. »