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Dix mesures identifiées en agriculture pour réduire les GES

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L’objectif devient plus réaliste. Pour l’agriculture, il ne s’agit plus de diminuer par quatre les émissions de GES à horizon de 2050 mais de « contribuer à ». Et les moyens à mettre en œuvre doivent être pragmatiques, économiquement neutres et sans pertes de rendement. C’est dans ce cadre que l’Inra a piloté une étude et mobilisé 22 experts scientifiques. Ces travaux ont été commandités par les ministères de l’Ecologie, de l’Agriculture et l’Ademe. Les résultats ont été restitués le 2 juillet à Paris et sont déclinés en dix mesures regroupées au sein de quatre leviers techniques.

Ces mesures ne sont en rien révolutionnaires et ce n’était pas non plus le but, mais elles ont été pour la première fois quantifiées en termes d’atténuation des émissions et de coût. La gestion de l’azote offre alors la plus forte efficience. Cumulées, les dix actions réduiraient les émissions de GES de 32,3 Mt eq CO2 par an à l’horizon 2030. Du point de vue de Sylvain Pellerin, chercheur à l’Inra de Bordeaux, « ce n’est pas si mal ! Pour aller encore plus loin il faudra ensuite se tourner du côté du progrès scientifique. »

Des mesures classées selon les coûts de mise en place

Qu’en est-il concrètement ? Les mesures à impacts négatifs, soit le premier tiers, concernent principalement des ajustements techniques avec économies d’intrants sans perte de production, comme la conduite des prairies (allongement de la durée des pâturages, accroissement de la part des légumineuses…), de l’ajustement de la fertilisation azotée en ayant recours au OAD ou de l’alimentation des bovins et des porcs. Un deuxième tiers des solutions présente des coûts modérés, inférieurs à 25 euros par tonne eq CO2 évitée. Elles nécessitent des investissements spécifiques, comme dans le cadre de la méthanisation, ou peuvent modifier le système de culture (réduction du labour, agroforesterie). Le dernier tiers des actions passe par un coût plus élevé, sans retour financier direct. Elles obligent à des achats d’intrants spécifiques, du temps de travail dédié (cultures intermédiaires, haies) et peuvent impliquer des pertes de production (bandes enherbées réduisant la surface cultivée).

Argumentaire pour réorienter les aides publiques

Pour les pouvoirs publics, ces préconisations donnent un axe structurant, et arrivent à point nommé au moment où vont se construire les mesures de soutien découlant du 2e pilier de la Pac. D’abord, deux tiers d’entre elles ont un coût soit négatif soit très peu élevé, et permettent déjà de diminuer les émissions de près de 25 Mt eq CO2 par an à l’horizon 2030. Un point que souligne Jérôme Mousset de l’Ademe et qui permet déjà de privilégier les axes de développement. Elsa Delcombel, du ministère de l’Agriculture, estime que l’étude apporte des arguments sur l’impact climatique de certaines pratiques agricoles et orientent la transition des systèmes de production. « Mais qu’il faut aussi avoir une vision plus globale ». Par exemple, la mise en place de bandes enherbées est l’action la plus onéreuse et parmi les moins efficaces au regard de l’atténuation des gaz à effet de serre. Pourtant, elle offre d’autres services environnementaux et pourrait aussi être source de revenu en valorisant sa biomasse.

Vigilance sur les effets négatifs induits

Invités à s’exprimer sur ces dix actions, Jacques Mathieu, directeur général d’Arvalis, et Christian Rousseau, agriculteur et administrateur du groupe coopératif Vivescia ont aussi alerté sur quelques points. D’abord l’azote. Pour Jacques Mathieu, une trop forte réduction des doses d’engrais azotés provoque une baisse du taux de protéines du blé. Les blés ne trouvent plus ensuite preneurs à l’export. A l’extrême on peut se retrouver dans la situation du Danemark qui ne peut plus commercialiser hors de ses frontières un blé à 9 points de protéine. La solution est pour lui dans le pilotage de la fertilisation avec les OAD et le progrès génétique.

Christian Rousseau estime de son côté que les cultures intermédiaires sont d’excellents pièges à nitrates évitant ensuite les émissions. Parmi les hypothèses de travail du sol retenues par les experts et favorisant la capture du carbone, le semis direct avec un labour tous les 5 ans pour diminuer le stock d’adventices ne lui semble pas la bonne formule : le labour détruira tous les bénéfices obtenus en terme de biologie des sols. Alors pour gérer les mauvaises herbes, l’allongement des rotations, l’alternance des cultures hiver et printemps lui semble préférable en complément de cette technique qui permet de garder le carbone dans les sols.

Autre difficulté pointée, cette fois dans le cadre de limitation des émissions de méthane entérique par les ruminants : la substitution des glucides - les céréales - par des lipides - les oléagineux - dans les rations. Mais la culture de ces derniers émet davantage de GES, a souligné Michel Doreau, chercheur à l’Inra. Une autre solution serait d’ajouter du nitrate dans leur ration, il fixe l’hydrogène… Mais dans ce cas, c’est plutôt l’opinion publique qui risque de ne pas accepter cette pratique.

Le rapport et le résumé http://institut.inra.fr/Missions/Eclairer-les-decisions/Etudes/Toutes-les-actualites/Etude-Reduction-des-GES-en-agriculture