Référence agro

Impacts agronomiques et environnementaux des épandages résiduaires : le constat des instituts de recherche

Le | Recherche-developpement

Sur saisine commune des ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie, l’Inra, le CNRS et l’Irstea ont réalisé une « expertise scientifique commune » (Esco) sur les effets agronomiques et environnementaux* de l’épandage des matières fertilisantes d’origine résiduaires (fumiers, composts, boues d’épuration…). Un point a été proposé lors d’un colloque organisé à Paris le 4 juillet. En travaillant sur une base bibliographique d’environ 300 références, 35 chercheurs ont pu faire un état des lieux sur les “mafor” (pour matières fertilisantes d’origine résiduaires). Epandage : un quart des surfaces cultivées Les chercheurs ont caractérisé les ressources actuelles : 274 Mt d’effluents d’élevage ont été épandus en 2012, pour environ 0,7 Mt de boues d’épuration urbaines, 2,2 Mt de composts et digestats issus de déchets urbains et 1,8 Mt d’effluents industriels. « Cette ressource présente peu de perspectives d’évolution en quantité, juge Marylis Pradel, ingénieure d’étude à l’Irstea. Mais qualitativement, une certaine quantité d’effluents d’élevage pourrait passer dans la case digestat, via la méthanisation agricole. » L’épandage de ces matières concerne le quart des surfaces cultivées en France et 30 % des surfaces en prairies. Ont également été caractérisées les valeurs agronomiques des “mafor” qui jouent un rôle amendant (pH et taux de matières organiques dans les sols) et fertilisant (apport d’azote, potasse, phosphore). Ainsi, si la phase liquide des lisiers présente la plus grande valeur fertilisante, et si le compost propose la valeur amendante organique la plus conséquente, les digestats de méthanisation proposent le meilleur compromis entre les deux. Lacunes sur les agents pathogènes, les contaminants et l’acceptabilité des épandages Les effluents d’élevage et les boues d’épuration urbaines, du fait de leur origine fécale, sont susceptibles de véhiculer également des agents biologiques pathogènes (bactéries, virus, parasites). A ce jour, aucune étude publiée n’établit de lien entre épandage des “mafor” et transmission de maladie animale. Il est en outre difficile d’évaluer, dans la littérature existante, leur contribution à la dissémination de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes. Une autre lacune bibliographique concerne les contaminants (organiques ou minéraux) susceptibles d’être apportés par les “mafor”. « Les teneurs des matières actuellement épandues en France sont inférieures aux seuils réglementaires pour les contaminants réglementés, mais la lente accumulation dans les sols de contaminants difficilement dégradables pourrait conduire à une contamination des sols difficile à maîtriser », note Sabine Houot, directrice de recherche à l’Inra. Enfin, les chercheurs estiment qu’il faut s’intéresser à l’acceptabilité sociétale des épandages résiduaires, aucun travail récent n’existant à ce sujet. * L’Anses sera bientôt sollicitée pour l’évaluation des risques sanitaires de tels épandages.