Innovation, productivité, environnement : conciliables mais mal compris
Le | Recherche-developpement
« Le plus grand risque pour notre agriculture, c’est de ne plus avoir d’innovations ! ». Pour Rémi Haquin, agriculteur mais aussi président de la Commission environnement d’Orama, l’organisation des producteurs de grandes cultures, le refus du progrès scientifique pourrait acter la fin d’une agriculture française compétitive ! En conséquence, ce déclin impacterait aussi l’industrie agro-alimentaire, fleuron des exportations. « Nous voulons une reconnaissance au plus haut, n’oublions pas que ce secteur exporte chaque semaine en chiffre d’affaires l’équivalent de deux Airbus ! ». Sur fond de crise économique, un tel enjeu prend actuellement toute son envergure. Bien trop souvent l’agriculture est perçue positivement par la société civile sous son aspect passéiste et trop négativement lorsqu’elle lève le voile sur ses technologies. Les questions environnementales exacerbent d’ailleurs cette dichotomie, comme si réduire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement consisterait à être dans une posture de retrait, du retour en arrière. Environnement et innovation sont complémentaires. C’est le message qu’ont souhaité faire passer Orama, les Jeunes agriculteurs, la FNSEA et l’UIPP, lors du colloque organisé le 16 novembre à Paris portant sur le thème « Quelle place pour l’innovation en agriculture », et à l’initiative de l’Union des industriels de la protection des plantes. Message qui s’inscrit aussi en lien avec l’actualité : verdissement de la Pac, élection présidentielle, mise en pratique du Grenelle de l’environnement. Et bien évidemment sur ces thématiques environnementales, tout est question de temps. Les champs ne seront pas plus verts à la fin du premier trimestre 2012 ! « Il faut 16 ans pour voir l’effet de l’ajustement des pratiques agricoles sur la qualité des nappes phréatiques », a souligné Pierre-Olivier Drège, directeur de l’AGPB (Association générale des producteurs de blé), et invité à une des tables rondes de ces journées. Gérard Morice, directeur général d’Arvalis, rappelle les conséquences d’une réduction drastique des intrants. « Si on diminue la fertilisation azotée, la teneur en protéine du blé va baisser à 10,5 point, indique-t-il. Nous perdrons alors le marché de l’Afrique du Nord. » Prenant aussi comme exemple le cas Danois. « Ils ont réduit les intrants, fortement, la productivité a reculé en conséquence, sans impact visible sur l’état des sols. » Et face à cette croyance tenace, faire mieux c’est faire moins. Hervé Guyomard, directeur scientifique de l’Inra alerte sur une logique insidieuse qui se déploie à grande échelle : « pour résoudre les problèmes, on refuse de prendre en compte le bénéfice des innovations ». Innovation qui ne peut être que protéiforme : technique, liée à la recherche fondamentale, à l’agronomie, à la communication, qui implique le chercheur comme l’agriculteur, se valorise par un travail en commun. « L’innovation est d’abord chez les agriculteurs qui expérimentent en continue de nouvelles techniques », souligne Jean-Pierre Princen, président de l’UIPP. D’ailleurs, l’un d’entre eux, présent dans la salle a pointé la pertinence d’une approche transversale pour qu’elle prenne toute sa place : « l’innovation ce n’est pas quoi, c’est qui. »