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« La biomasse centrale pour l’avenir de la planète », Philippe Mauguin, Inrae

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« La question de la biomasse est centrale pour l’avenir de la planète, notamment en ce qui concerne la sécurité alimentaire », déclare Philippe Mauguin, président de l’Inrae, durant la table ronde organisée au 25e colloque du Syndicat des énergies renouvelables, le 17 septembre 2024.

Philippe Mauguin, PDG d’Inrae - © D.R.
Philippe Mauguin, PDG d’Inrae - © D.R.

« La question de la biomasse est centrale pour l’avenir de la planète, notamment en ce qui concerne la sécurité alimentaire. L’accélération des dérèglements climatiques et les crises géopolitiques affectent fortement l’agriculture. Ces tensions sont étroitement liées à la mobilisation de la biomasse », déclare Philippe Mauguin, président de l’Inrae, durant la table ronde « Le rôle incontournable des bioénergies » organisée au 25e colloque du Syndicat des énergies renouvelables à la Maison de l’Unesco, le 17 septembre 2024.

Il intervient aux côtés de Frédéric Coirier, vice-président du SER et PDG de Poujoulat, Sylvie Jehanno, directrice générale de Dalkia, Frédérik Jobert, secrétaire général adjoint à la planification écologique auprès du Premier ministre, Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF, et Sylvain Waserman, PDG de l’Ademe.

« L’argent public étant limité, il est essentiel de l’investir là où il contribue le plus efficacement à la réduction des émissions de carbone. Aujourd’hui, le fonds chaleur offre de très bons résultats. Il est nécessaire de travailler de l’arbre à la calorie, en optimisant l’efficacité énergétique des solutions tout au long de la chaîne », déclare Sylvain Waserman.

« La chaleur renouvelable, une réponse concrète pour décarboner l’industrie »

« En France, la production de chaleur représente près de la moitié de la consommation énergétique totale, dont plus de 60 % provient encore des énergies fossiles (eau chaude ou chaleur industrielle par exemple). Le bois énergie apporte une réponse concrète pour l’industrie, déclare Sylvie Jehanno, directrice générale de Dalkia. Il faut adopter une approche locale. On privilégiera d’abord la récupération de la chaleur issue des incinérateurs avant d’envisager l’exploitation de la biomasse forestière. »

« Quand on parle de smart grid, on pense souvent à l’électricité, mais les réseaux peuvent aussi concerner la chaleur. Nous disposons aujourd’hui des technologies pour stocker et distribuer la chaleur de manière efficace, poursuit la dirigeante. La géothermie est une ressource énergétique locale précieuse. Son exploitation repose sur l’utilisation de pompes et de pompes à chaleur. L’électricité utilisée pour leur fonctionnement n’est pas encore comptabilisée comme une énergie renouvelable bas carbone dans les projets actuels. C’est un problème. »

« 5 Md€ de l’État pour les bioénergies »

« L’État soutient les bioénergies de la même manière que les autres formes d’énergie, en fixant des trajectoires de développement. Ces trajectoires sont orientées à la hausse, avec des objectifs ambitieux à atteindre d’ici 2030. Actuellement, plus d’une centaine de dispositifs budgétaires et extra-budgétaires ont été identifiés, totalisant environ 5 Md€, indique Frédérik Jobert, secrétaire général adjoint à la planification écologique. Les ressources étant limitées, il est crucial de veiller à leur utilisation optimale. C’est la raison d’existence du merit order. La biomasse forestière est principalement utilisée pour se substituer aux énergies fossiles dans la production de chaleur. Son utilisation est limitée par la capacité de la forêt à se régénérer. C’est une donnée biologique et non politique. »

« Favoriser la covalorisation »

« La question de la biomasse est centrale pour l’avenir de la planète, notamment en ce qui concerne la sécurité alimentaire. L’accélération des dérèglements climatiques et les crises géopolitiques affectent fortement l’agriculture. Ces tensions sont étroitement liées à la mobilisation de la biomasse. La forêt mondiale constitue une source importante de biomasse, mais elle est également affectée par le réchauffement climatique, notamment à travers des phénomènes tels que les méga-feux, déclare Philippe Mauguin, président de l’Inrae. Bien qu’il n’existe pas de statistiques parfaitement fiables pour les filières forestière et agricole, nous disposons néanmoins d’une bonne connaissance de la consommation actuelle, des projets en cours, ainsi que de la croissance des forêts et des cultures agricoles. Parfois, le merit order ne sera pas strictement respecté en raison de la covalorisation des ressources. Ce qui est aujourd’hui considéré comme covalorisé pourrait évoluer d’ici à 2050. »

« Parler des biomasses plutôt que de biomasse »

« Le biométhane est bien connu, mais il existe également d’autres gaz renouvelables. L’idée est d’exploiter les infrastructures existantes pour leur distribution, stockage et transport, ainsi que celles déjà en place chez les clients. Ces gaz renouvelables sont aussi issus de la biomasse. Il convient de parler de biomasses au pluriel, car il en existe de plusieurs types : forestière, agricole et issues des déchets, précise Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF. La méthanisation contribue à la décarbonation de l’agriculture. Ce procédé utilise des déchets provenant d’effluents d’élevage, de résidus agricoles ou de cultures intermédiaires, et produit un digestat qui permet de restituer ces éléments au sol. Sans toucher aux forêts ou aux ressources alimentaires, on valorise des déchets pour produire une énergie injectée dans le réseau. Beaucoup de communes françaises consomment aujourd’hui du gaz vert sans en avoir conscience. »

« La transition écologique sera territoriale ou ne sera pas »

« L’argent public étant limité, il est essentiel de l’investir là où il contribue le plus efficacement à la réduction des émissions de carbone. Aujourd’hui, le fonds chaleur offre de très bons résultats, explique Sylvain Waserman, président de l’Ademe. Il est nécessaire de travailler de l’arbre à la calorie, en optimisant l’efficacité énergétique des solutions tout au long de la chaîne. »

« Concernant le Groupement d’intérêt scientifique sur la biomasse, l’impatience se fait sentir quant aux résultats. Historiquement, dans l’énergie, nous avons fonctionné selon des logiques descendantes. Les COP territoriales jouent le rôle de chaînon manquant entre les grands accords internationaux, les lois et les plans et l’action locale, conclut-il. Les solutions doivent être imaginées localement et diffusées plus largement. C’est le rôle de l’Ademe d’accompagner ces initiatives, de modéliser les succès, et de cibler les endroits où elles peuvent être pertinentes. La transition écologique sera territoriale ou ne sera pas. »