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Biodiversité, la recherche se penche sur les effets non intentionnels des pratiques agricoles

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« L’opposition entre l’agriculture et la biodiversité est à l’origine du déséquilibre actuel au détriment de cette dernière. Les besoins en recherche sont importants pour mieux évaluer cette situation et trouver des solutions », explique Jean-François Silvain, directeur de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), en ouverture des Carrefours de l’innovation agronomique (Ciag). La dernière édition de l’événement, organisé par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) le 11 avril, portait sur le thème « Biodiversité et durabilité des agricultures ».

Sensibiliser sur les effets non intentionnels

Les premiers résultats du réseau Biovigilance 500 ENI ont été présentés. L’étude, lancée en 2012, dans le cadre du plan Ecophyto, évalue les effets non intentionnels (ENI) des pratiques agricoles sur la biodiversité. Quatre taxons sont suivis sur 523 (1) parcelles dont 20 % en agriculture biologique : les vers de terre, les coléoptères, les oiseaux et la flore des bordures de champs. Pour cette dernière, 702 espèces ont été répertoriées dans ces bordures, représentant 12 % de la flore française. « Le nombre d’espèces par bordure est en moyenne de seize. Nous n’observons pas de déclin mais cela est probablement dû à notre manque de recul », explique Guillaume Fried, du Laboratoire de la Santé des végétaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, Anses.

Des effets encore à mesurer

Les résultats préliminaires montrent cependant que la fertilisation azotée, via le ruissellement ou la projection directe des billes de fertilisants minéraux, affecte la composition de la flore, en nombre espèces. Quant aux pesticides, l’étude pointe l’effet des herbicides sur la richesse des espèces. « Il est déjà possible d’observer un déclin des espèces entomogames le long de l’axe d’intensification des pratiques », précise Guillaume Fried. Des résultats à pérenniser, sur de plus grandes échelles de temps, ou en évaluant l’ENI d’une matière active en particulier. « Ce qui n’est pas encore possible à ce stade », ajoute Guillaume Fried.

Solidifier le système des PSE

La question des ENI, dont la compréhension est essentielle à la mobilisation de l’ensemble des agriculteurs, le prouve : la transition ne se fera pas sans accompagnement. Pédagogique, mais aussi financier. L’occasion d’aborder l’enjeu des Paiements pour services environnementaux (PSE). Si l’intérêt incitatif du dispositif est unanimement reconnu, Pierre Dupraz, du département Structures et marchés agricoles (Smart-Lereco) de l’Inra, souligne les limites du dispositif : « La mesure de la biodiversité est difficile. Il est complexe de fixer un prix unique, la biodiversité n’étant pas la même partout. » Un problème d’indicateur couplé à un autre sujet épineux : celui du financement même de ces services.

De nombreux défis sont donc encore à relever. Le chercheur plaide pour la mise en place d’un système de paiements proportionnels « à ce qui est fait », et à la création « d’indicateurs corrélés à l’environnement ». Autre piste évoquée : « Favoriser le volet biodiversité dans les programmes de recherches agronomiques, comme par exemple au sein du réseau de fermes Dephy », indique Pierre Dupraz.