L’agriculture au cœur d’un programme de recherche européen sur les eaux souterraines
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Afin de mieux connaître et protéger les eaux souterraines, le pôle Aqua-Valley et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ont lancé en mars, en France, le projet Aquifer. Ce dernier, financé par le programme européen Interreg Sudoe, se déroulera également en Espagne et au Portugal. Plusieurs axes de travail concernent plus particulièrement l’agriculture, pour réduire l’impact du secteur sur ces masses d’eau.
Les eaux souterraines, également appelées aquifères, représentent 30 % de l’eau douce sur terre. La qualité de ces ressources, qui se raréfient, est aujourd’hui menacée, notamment par l’agriculture. Pour protéger ces masses d’eau, la France, l’Espagne et le Portugal ont lancé, en mars denier, le projet Aquifer. « Il y a une réelle nécessité d’avoir une gestion durable des eaux souterraines, souvent oubliées dans les plans de gestion de l’eau, explique Naila Bouayed, du pôle Aqua-Valley, qui porte en France le projet avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). L’objectif principal est de tester et diffuser des pratiques innovantes pour préserver et mieux surveiller les aquifères. » Pour mener ces travaux, chaque pays a choisi un territoire où les masses d’eau étaient, ou sur le point de l’être, en mauvais état. En France, le bassin Adour-Garonne a été sélectionné, notamment car il est concerné par la problématique des pollutions agricoles diffuses. « La situation est déjà assez critique dans le bassin, qui est en plus très tourné vers l’agriculture, le contexte est difficile pour concilier au mieux les usages et préserver les ressources », explique Margaux Saüt de la Dreal Occitanie.
Développer des systèmes agricoles adaptés
Parmi les actions prévues, beaucoup portent sur le contrôle et la surveillance des aquifères, afin d’avoir une base de données à jour. Un focus sera mis sur les zones agricoles en ce qui concerne les teneurs en nitrates. Une des ambitions du programme est en effet de développer des systèmes agricoles adaptés à la rareté et la détérioration de la qualité de l’eau. Dans ce cadre, des parcelles agricoles serviront de modèle pour le développement de systèmes d’atténuation et d’adaptation à ces enjeux. Les systèmes agricoles et des sols seront également analysés pour justifier les pénuries d’eau actuelles. Ces actions devront permettre de construire un plan d’atténuation et d’adaptation incluant la planification de l’irrigation et des pratiques agricoles. Des analyses devront par ailleurs permettre de réaliser des scénarios prospectifs de l’impact du changement climatique aux horizons 2050 et 2100. Les partenaires prévoient d’impliquer les chambres d’agriculture, notamment en qualité d’Organisme unique de gestion collective* (OUGC) des ressources en eau, pour favoriser notamment la transmission des outils développés vers les agriculteurs irrigants.
Anticiper les épisodes de sécheresse
Souvent mise en cause, l’agriculture souffre, comme les nappes, des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquent. « Beaucoup d’études existent déjà sur les niveaux et la qualité des eaux, mais le sujet de la prévision n’a pas encore été exploré, c’est tout l’intérêt de ce programme, explique Ariane Blum, directrice régionale Occitanie du BRGM. L’objectif est d’anticiper les sécheresses, il y a beaucoup d’attentes et de choses à faire. » Pour cela, le BRGM souhaite étendre son outil MétéEAU Nappes à l’ensemble des trois pays du programme, pour améliorer sa pertinence. « Avoir un outil de prévision nous permettrait d’améliorer la gestion de crise au quotidien », reconnaît Margaux Saüt.
Mise en place d’une plateforme en open-source
A l’issue de ces travaux, plusieurs outils seront produits. De nombreuses modélisations hydrogéologiques seront réalisées pour prédire sur deux à trois mois l’évolution du niveau des nappes, à partir de plusieurs scénarios climatiques. « Ces simulations seront intégrées dans un outil open source sur Internet, qui permettra de simuler les niveaux des nappes », explique Sandra Béranger, ingénieure hydrogéologique au sein du BRGM. Par ailleurs, une plateforme web sera aussi créée, pour accompagner la prise de décision transnationale. Des conférences et des newsletters régulières sont également prévues. Les organisations agricoles et les collectifs d’agriculteurs sont appelés à y participer.
Pour rappel, l’objectif dicté par la Directive-cadre sur l’eau est d’atteindre 100 % du bon état des eaux souterraines à l’échéance 2027, ce qui regroupe l’aspect qualitatif (chimique et écologique) et quantitatif.
Le programme Aquifer en résumé :
- Budget : 1 647 000 € (75 % de subventions)
- 770 000 km², un territoire où vivent 67 millions d’habitants
- Durée de 30 mois, du 1er novembre 2020 au 30 avril 2023
- Réalisé dans le cadre du programme européen Interreg Sudoe, un programme de coopération pour le développement du sud-ouest de l’Europe et bénéficie d’un financement du Fonds européen de développement régional (Feder)
* Structure ayant en charge la gestion et la répartition des volumes d’eau prélevés à usage agricole sur un territoire déterminé.