L’Anses démarre des travaux sur la présence d’antibiotiques dans l’environnement
Le | Recherche-developpement
Connaître le niveau de contamination des sols et de l’eau en antibiotiques et bactéries résistantes, étudier les facteurs les favorisant, la part des activités humaines dont l’agriculture, etc… Tels sont les travaux que démarrent l’Anses. Explications avec Jean-Yves Madec, directeur scientifique antibiorésistance.
Si l’antibiorésistance est un phénomène bien étudié en élevage, sa diffusion dans l’environnement est moins connue. Pourtant, certains gènes de résistance proviennent de bactéries de l’environnement. Pour la première fois, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses, a mené une expertise sur l’état et les causes de la contamination des milieux par les antibiotiques et les bactéries résistantes aux pathogènes, ainsi que sur les mécanismes qui favorisent l’émergence et le maintien de l’antibiorésistance dans l’environnement. Des premiers résultats ont été dévoilés le 17 novembre.
Premier constat : les concentrations en antibiotiques dans les milieux sont faibles en France. « Nos écosystèmes sont beaucoup plus résilients que dans d’autres pays du monde, indique Jean-Yves Madec, directeur scientifique antibiorésistance à l’Anses. Par ailleurs, les usines qui fabriquent les antibiotiques sont, pour la plupart, situées en Asie, où les contrôles sont moins fréquents. »
Difficile d’identifier les sources de contamination
Les épandages d’effluents d’élevage font partie des principales sources de contamination, avec les eaux usées traitées et les boues de stations d’épuration. « Les antibiotiques issus de l’élevage et des boues urbaines se retrouvent davantage dans les sols, précise Jean-Yves Madec. Mais il est aujourd’hui complexe de lier les usages et les impacts. Nous ne sommes pas en mesure de quantifier la pollution qui vient de l’élevage par rapport à celle des hôpitaux. Ce que nous savons, c’est que les activités humaines sont responsables. »
Deuxième enseignement : les antibiotiques les plus fréquemment retrouvés dans l’environnement sont ceux qui se dégradent le moins, et non pas forcément les plus consommés. « Par exemple, les fluoroquinolones se dégradent très lentement, au rythme de 1 % tous les deux mois », étaye-t-il. Les antibiotiques et les bactéries résistantes retrouvés dépendent du type d’épandage. Leurs concentrations s’estompent avec l’éloignement de la source de contamination.
Une perturbation des écosystèmes qui peut agir sur la santé
Les travaux de l’Anses se sont également penchés sur les facteurs de l’environnement qui pourraient favoriser la sélection de bactéries résistantes aux antibiotiques et la transmission de gènes de résistance. La présence d’éléments traces métalliques ou de biocides, ou encore la diversité des communautés bactériennes et l’hétérogénéité des milieux pourraient influencer leur devenir dans l’environnement. « Peu de données sont disponibles sur ce sujet, reconnaît le directeur scientifique antibiorésistance à l’Anses. La présence d’antibiotiques perturbe les écosystèmes et peut donc, dans une vision One Health, avoir des conséquences sur la santé humaine. »
Affiner les recherches
L’Anses insiste sur le fait que les résultats obtenus peuvent évoluer avec le changement climatique et l’évolution des pratiques liées à l’économie circulaire de l’eau, telles que la réutilisation des eaux usées traitées ou la recharge artificielle de nappes d’eau souterraine. « Nous avons besoin d’affiner les indicateurs pour étudier les effets sur un temps long, ajoute Jean-Yves Madec. Il nous est encore difficile de faire une synthèse. Nous devons améliorer les protocoles, l’échantillonnage et créer une base de données. Toutes les substances n’ont pas non plus été étudiées. Nous souhaitons également associer les écologues à nos travaux pour avoir une meilleure connaissance des milieux. »