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Le changement climatique ne serait pas le facteur le plus pesant sur l’agriculture d’ici à 2050, selon l’Inrae

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« Place des agricultures européennes dans le monde en 2050, entre enjeux climatiques et défis de la sécurité alimentaire mondiale », c’est le nom d’une étude réalisée par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), commandée par Pluriagri* et présentée lors d’un colloque dédié le 14 février. Son objectif : évaluer l’évolution des rendements et du besoin en terres cultivées en fonction de l’évolution, ou non, des régimes alimentaires, d’ici à 2050. Ces travaux cherchent à identifier d’éventuelles marges de manœuvre pour concilier sécurité alimentaire et limitation des pressions sur les milieux naturels.

Deux scénarios contrastés

Les chercheurs ont mené leur étude autour de deux scénarios contrastés, avec une variable clé, celle de la demande alimentaire humaine :

  • Le premier suit l’hypothèse de régimes alimentaires tendanciels, c’est-à-dire sans aucun changement de ce qui existe déjà aujourd’hui ;
  • Le second se place dans l’optique de l’adoption généralisée de régimes alimentaires sains, selon les recommandations de l’OMS.

« Dans la première hypothèse, la hausse de la demande alimentaire serait de 47 % contre 38 % dans le second cas », explique Anaïs Tibi, coordinatrice de l’étude. Ainsi, la tendance générale est plutôt à l’extension des surfaces cultivées. Des chiffres qui cachent de réelles disparités. La demande alimentaire explose dans les deux hypothèses en Afrique subsaharienne et en Asie. En revanche, en Europe, elle stagne pour le premier cas et diminue dans le deuxième.

Des surplus de terre

Dans d’autres régions, comme l’Europe centrale ou surtout l’ex-URSS, la stagnation de la population et l’extension des terres cultivables au Nord, suite au réchauffement climatique, pourrait aboutir à des « surplus de terres ». « En Europe, il y aura des surplus dans le cas de l’adoption de régimes sains et de hauts rendements », précise Bertrand Schmitt, responsable scientifique de l’étude.

Développer le soja européen ?

Pour rentabiliser ces potentiels surplus de terre en Europe, les chercheurs proposent plusieurs pistes, comme la culture du soja, pour réduire la dépendance européenne concernant les tourteaux. La France fait partie des pays identifiés. « Cela pourrait aussi permettre d’aller vers des systèmes agricoles moins intensifs en intrants », en substituant le levier rendement par le levier surface, explique Agneta Forslund, responsable de la modélisation de l’étude.

Une incertitude demeure, celle de la disponibilité en eau. La part de surfaces irriguées, actuellement de 8 % en Europe, pourrait descendre à 5 % en 2050, ce qui pourrait entraîner des baisses de rendements de 10 % en France.

Des travaux de recherche complémentaires à mener

Par ailleurs, le facteur du réchauffement climatique ne sera pas le plus lourd pour les cultures d’ici à 2050, selon les chercheurs. « Les effets d’un changement climatique tendanciel seront moins forts que ceux liés aux évolutions techniques de l’agriculture. Mais cela ne veut pas dire que ce ne sera pas une autre histoire en 2100 », prévient Hervé Guyomard, responsable scientifique de l’étude.

Les chercheurs insistent sur les nombreuses incertitudes et les recherches complémentaires à mener, tels que : les conséquences des événements climatiques extrêmes, l’adaptation des agricultures mondiales aux effets de l’évolution climatique via les changements de pratiques, le progrès génétique, l’impact du climat sur la qualité nutritionnelle ou encore la pression des bioagresseurs.

Le monde divisé en 21 régions

Pour obtenir ces résultats, les chercheurs ont divisé le monde en 21 régions, dont huit en Europe. Les simulations ont été réalisées grâce à l’outil GlobAgri-AE2050. Une vingtaine d’experts et de contributeurs ont été mobilisés. L’année de référence fixée est 2010, année la plus récente où les chercheurs ont pu récupérer des données pour l’ensemble des régions concernées.

*Association formée par des acteurs des grandes cultures (Avril, Unigrains, Confédération générale des planteurs de betteraves) et le Crédit Agricole