Les agriculteurs n’utilisent pas le glyphosate sans raisonnement agronomique
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Loin des idées reçues, l’enquête conduite par Acta, Arvalis, Terres Inovia, l’ITB et la Fnams auprès de 10 000 agriculteurs en grandes cultures à l’été 2019 écarte le recours systématique au glyphosate pour désherber. Elle montre bien un choix en lien avec des enjeux technico-économiques à l’échelle de la rotation. Et une forte inquiétude, faute d’alternatives novatrices.
L’usage du glyphosate est-il irraisonné ? Dans quelles situations de désherbage s’applique-t-il ? Des solutions novatrices peuvent-elles être rapidement mises en place ? Et quel seraient les impacts financier et technique, de son arrêt programmé en France fin 2020 mais avec deux ans de plus pour les situations d’impasse ?
Pour mieux cerner les conséquences de ce retrait, quatre instituts techniques, Acta, Arvalis, Terre Inovia, l’ITB et la FNAMS ont mené sur l’été 2019 une vaste enquête en ligne auprès de 10 000 agriculteurs. Premier constat : 94,8 % d’entre eux utilisent le glyphosate de façon ponctuelle ou régulièrement. Moins de 20 % l’appliquent sur toute l’exploitation (66 à 100 % de la SAU traitée). Son emploi est loin d’être systématique.
Balance bénéfices/risques, pas si évidente à évaluer
Les principaux enseignements de ce sondage confirment les inquiétudes déjà partagées par les agriculteurs et les techniciens lors des interventions politiques. La mise en place de techniques alternatives, principalement le travail du sol, souligne des contraintes et des incertitudes sur la viabilité des exploitations en raison des investissements matériels nécessaires et une organisation du temps de travail plus complexe. Les répondants ne cachent pas leurs craintes vis-à-vis de la concurrence dans une économie ouverte. D’autant que les conséquences sont aussi agronomiques, avec le retour du travail du sol, fragilisant ceux sensibles à l’érosion et freinant le stockage de la matière organique. Les systèmes en agriculture de conservation, sans travail du sol, ne pourraient plus assurer ces bénéfices agronomiques vertueux sans le recours au glyphosate. Les organisateurs de l’étude avertissent aussi sur la dégradation du bilan carbone avec une consommation de carburant accrue. Ils interpellent sur le risque sanitaire lié à une non-maîtrise des mauvaises herbes : ergot du seigle, adventices allergisantes ou toxiques.
Le glyphosate est principalement utilisé dans quatre situations de désherbage
Les agriculteurs qui ont répondu au questionnaire ont une surface moyenne de 176 ha, principalement en grandes cultures avec une part importante de cultures d’hiver dans la rotation : blé, colza, orge. Et comme 68 % réalisent du labour, d’ores et déjà, l’enquête révèle que cet herbicide n’est pas exclusivement utilisé dans des itinéraires en non-labour.
Dans quelles circonstances est-il alors utilisé et est-ce justifié ? La réponse confirme bien un choix raisonné, en lien avec des enjeux technico-économiques. Les quatre usages majeurs sont la lutte contre les vivaces, les destructions de repousses ou d’annuelles en interculture courte d’été, et en interculture longue, l’entretien des bords de fermes. « Le produit permettant alors un désherbage efficace et peu cher », précise l’étude. Ceux qui sont en non-labour l’emploient tous les ans, sur de grandes surfaces à petite dose : 1 l/ha. Les autres, en non-labour, l’appliquent une année sur trois, sur moins de la moitié de la SAU, à des doses plus importantes de 3 l/ha, voire 5 l/ha sur vivaces. Pour la production de semences, les agriculteurs multiplicateurs ont les mêmes stratégies de désherbage mais peuvent être amenés à traiter avec du glyphosate dans des situations plus larges compte tenu des objectifs de pureté pour les lots de semences.
Aucune technique novatrice n’est remontée de l’enquête
Reste à se projeter dans le cadre d’un arrêt de l’autorisation du glyphosate. 77 % des répondants ne savent pas encore comment gérer leur problématique sans la molécule.
Néanmoins, 3,4 % des agriculteurs ayant répondu au questionnaire n’utilisent plus de glyphosate. Certains, avec une surface plus petite à gérer sont passés en bio, d’autres ont opté pour un allongement de la rotation. Ils misent aussi sur les leviers agronomiques du désherbage : retour au labour, travail du sol, faux semis, décalage de la date de semis, etc. Aucune technique novatrice n’a été remontée dans l’enquête.
Le recours au travail du sol est la solution qui revient le plus comme technique alternative. 90 % des agriculteurs déclarent vouloir intensifier les interventions mécaniques dans les intercultures et 55 % le labour. Avec, comme conséquence, l’achat de matériel et le choix d’outils de travail plus large ainsi qu’un besoin de traction plus puissante.
Voir aussi l’état d’avancement des du plan d’actions sur les produits phytopharmaceutiques et du plan de sortie du glyphosate publié par le ministère de l’Agriculture