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Les scientifiques confirment l’intérêt environnemental de la méthanisation

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La méthanisation, oui, mais sous condition. C’est en quelque sorte ce qui est ressorti du séminaire scientifique sur les enjeux et impacts du digestat sur les sols, organisé par France nature environnement (FNE) au siège de l’Institut national de la recherche agronomique, Inra, à Paris, le 28 mai 2019. De la dynamique du carbone à la vie du sol, un vaste état des lieux a permis à l’association de faire le point sur les connaissances scientifiques, grâce à un panel de spécialistes de l’Inra, du CNRS et de l’Irstea. La présence de deux agriculteurs méthaniseurs et de Solagro, venu exposer les résultats d’une enquête sur 45 exploitations françaises, a été l’occasion de partager aussi sur les pratiques et leur durabilité.

Conscientes de l’opportunité que représente la méthanisation, tant pour la valorisation des matières organiques que pour le biogaz, les équipes de FNE restent cependant soucieuses des impacts environnementaux globaux et des dérives potentielles en termes de modèles agricoles. « Cet état des lieux est indispensable pour que nous puissions nous positionner, notamment en ce qui concerne le retour au sol de la cellulose. Nous aurons aussi besoin des retours d’expérimentation concernant les impacts du digestat sur la vie microbienne du sol », confie Cécile Claveirole, pilote du réseau agricole au sein de l’ONG.

La méthanisation n’altère pas le bilan carbone

Qu’il s’agisse de cultures ou d’effluents, frais ou méthanisés, les résultats d’expérimentations affichent un bilan carbone quasi identique. « Nous nous trouvons dans les mêmes ordres de grandeur, le carbone restant dans le sol oscille entre 12 et 14 % de l’apport initial », explique Sabine Houot, directrice de recherche Inra à l’unité Ecosys (Ecologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes). Les émissions de CO2 liées à la respiration des micro-organismes du sol, qui dégradent la matière organique, sont en effet variables selon les intrants et le caractère méthanisé ou non.

« Le stockage de carbone dans les sols dépend des types de digestats et des doses », continue Sabine Houot. Sur l’agrosystème, les résultats de l’enquête Méthalaé de Solagro montrent que « les bilans énergétique et gaz à effet de serre ont plutôt tendance à s’améliorer. L’agronomie est renforcée avec une augmentation des surfaces amendées, une évolution de l’assolement vers plus de cultures intermédiaires, sans baisse du stockage de carbone », explique Christian Couturier, codirecteur de Solagro.

Plus bénéfique pour les vers de terre

Et la vie du sol ? « Il n’y a pas d’effet écotoxique des digestats sur les communautés microbiennes : le digestat est équivalent ou inférieur au lisier en termes d’impact », explique Christian Mougin, directeur de recherche Inra à l’unité Ecosys. Sur les populations de vers de terre, anéciques et endogènes, l’impact des digestats est plus bénéfique que la fertilisation minérale. « Nous observons une mortalité à très court terme, juste après épandage, sur les vers anéciques. Mais après 14 jours, les populations augmentent », précise Sabine Houot.

Si le digestat s’avère plutôt bénéfique pour les sols, les scientifiques s’accordent à dire qu’il faut plus d’expérimentations en conditions réelles et de connaissances en général sur le sol et son fonctionnement. Quant à l’intérêt environnemental de la méthanisation, il se confirme. À condition qu’elle soit utilisée comme un outil, et non un objectif, au service d’une exploitation agricole déjà engagée dans une trajectoire agroécologique.