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Les sols sous la triple menace de l’érosion, du bétonnage et de la pollution

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__Ce ne serait pas moins de 25 % des sols français qui sont menacés par l’érosion, l’urbanisation et les pollutions agricoles ou industrielles.__ « Le sol est un maillon essentiel de l’environnement, mais il est encore insuffisamment pris en compte », estime Dominique Arrouays, directeur de l’unité Infosol de l’Inra d’Orléans. Son équipe coordonne le Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Sol, créé en 2001 afin de pallier le déficit d’informations sur les sols et répondre aux préoccupations liées à leurs dégradations. J.P. « L’érosion est la menace la plus importante pour la qualité des sols car cela entraine des pertes irréversibles », ajoute Dominique Arrouays. Si 100 à 1 000 kilogrammes par hectare (kg/ha) de sol se forment naturellement chaque année, plusieurs dizaines de tonnes/ha/an peuvent être érodées dans certains secteurs. Selon Dominiqe Arrouays, la zone la plus en proie aux phénomènes érosifs sont les grandes plaines limoneuses du nord de la France. Toute en précisant que dans l’hexagone, il n’y a pas de suivi de la quantité des sols perdue chaque année. Une autre menace pour les sols français est leur imperméabilisation causée par l’urbanisation et la construction de routes. Environ 6 000 ha de sols disparaitraient sous le béton chaque année en France. L’utilisation de matériaux de construction « poreux » et la reconstruction sur des friches industrielles font partie des solutions. La dernière menace est liée à la pollution. Celle-ci peut prendre plusieurs formes : résidus de nitrates et des pesticides, contamination par des métaux lourds… Le GIS Sol a étudié 2 200 sites répartis sur le territoire. Les résultats définitifs de cet état des lieux seront publiés en 2010. Mais d’ores et déjà, 30 substances préoccupantes ont été détectées. « Globalement, les taux de pollution diffuse mesurés ne justifient pas une alerte de la population », indique Dominiqe Arrouays. Le chercheur de l’Inra reconnaît toutefois avoir été surpris de l’étendue de la pollution diffuse par certains métaux lourds, dont le plomb, dans une zone supérieure à 100 km autour des grandes agglomérations telles que Paris. Autre surprise : du lindane, insecticide interdit en France depuis 1998, a été détecté dans de nombreux sols, lors d’une étude-pilote réalisée dans quatre départements (Nord, Pas de Calais, Somme et Seine-Maritime). Malgré cette dégradation évidente, Dominique Arrouays estime que « les sols sont loin d’être morts », car ils recèlent encore une riche biodiversité de plusieurs milliards d’organismes vivants (seulement 5 % sont identifiés, NDLR). Un mal européen Le mal n’est pas seulement français, il est européen. Bruxelles entend réagir rapidement pour protéger les sols. Les négociations sur le projet de directive Sol ont été relancées par la Présidence tchèque qui espère obtenir un accord lors du Conseil de juin. En décembre 2007, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas ont bloqué un projet de législation européenne sur la protection des sols qui visait notamment à recenser les sites potentiellement contaminés. La France, bien qu’en accord sur le principe, s’oppose à certaines dispositions jugées trop contraignantes (par exemple établir l’exhaustivité des sites pollués). « Les sols soulèvent des questions très sensibles de propriété privée et sont liés à des enjeux économiques et industriels », rappelle Didier Rat, chargé de mission Sols au ministère de l’Agriculture.