L’Inra avance sur l’évaluation des services rendus par les écosystèmes agricoles
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Les conclusions ont été présentées le 24 octobre. L’Institut national de la recherche agronomique a réalisé une analyse de la littérature scientifique consacrée aux services rendus par les écosystèmes agricoles conventionnels. Un travail mené dans le cadre du programme Efese, pour Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (Efese), lancé en 2012 par le ministère de l’Environnement.
Des services rendus à l’agriculteur…
Cette vaste revue a permis d’identifier 14 types de services*. Huit d’entre eux sont directement utiles à l’agriculteur. Par exemple, l’écosystème stocke, restitue de l’eau aux plantes et apporte de l’azote. Sur les grandes cultures, 40 à 50 % des besoins annuels des plantes en intrants seraient pourvus par leur écosystème, selon l’Inra. À l’échelle d’une rotation, les services « azote » et « eau » cumulés contribueraient à la moitié de la production. Des moyennes indicatives qui cachent des chiffres variables : « Les facteurs d’influence sont nombreux, et notamment l’ordre d’implantation des cultures », avertit Olivier Thérond, responsable scientifique de l’étude.
…et plus globalement à la société
Sept services remplissent une mission dépassant la seule agriculture, à l’instar du stockage de carbone qui compense les émissions de gaz à effet de serre. Selon l’étude, les obligations réglementaires « zones vulnérables nitrates » ont un effet positif sur le stockage de carbone en zone de grande culture. Toutefois, en considérant leurs émissions, les sols des systèmes de grandes cultures français tendent aujourd’hui à déstocker légèrement du carbone (-0,3 ‰). Des résultats qui ne prennent pas en compte les prairies. « Des pratiques innovantes sont nécessaires pour atteindre l’objectif de l’initiative internationale 4 pour mille », conclut Sylvain Pellerin, chercheur à l’Inra.
Chiffrer la valeur économique de ces services
Les scientifiques ont tenté de chiffrer économiquement de ces services. En l’état actuel des connaissances, l’exercice n’est pas réaliste pour tous les cas. « Il est possible de mesurer la quantité d’azote non-lixiviée par un écosystème, explique Jean-Michel Salles, du CNRS. Mais le lien de ce chiffre avec la qualité de l’eau n’est pas mathématique. » Des simulations permettent toutefois d’évaluer le prix de l’apport cumulé d’eau et d’azote par l’écosystème aux plantes. Soit près de cinq milliards d’euros par an en France pour le blé, un peu plus d’un milliard d’euros pour l’orge, le maïs grain, le maïs ensilage ou encore 615 M€ pour le colza.
De la matière pour orienter les politiques publiques
Quid de l’application politique de ces résultats ? À ce stade, la prudence reste de mise. « Nous ne sommes pas au bout de la démarche, rappelle Philippe Mauguin, directeur de l’Inra. Il est nécessaire d’affiner ces évaluations, y compris pour les systèmes non-conventionnels et raisonner davantage par bouquets de services. » Agriculteur et invité à commenter l’étude, Sébastien Schwab rejoint Cécile Fevre, du bureau de l’agriculture et de l’alimentation au ministère de la Transition écologique, sur la nécessité de construire des messages « simples et compréhensibles » pour mieux fédérer sur le terrain.
« Attention aux raccourcis, avertit pour sa part Claudine Joly, responsable pesticides chez FNE. Votre évaluation de la pollinisation donne l’impression qu’il suffirait d’investir deux milliards d’euros pour remplacer les pollinisateurs, sans tenir compte des effets indirects multiples et considérables s’ils disparaissaient totalement. » Un biais que l’Inra n’ignore pas. La conclusion de l’étude spécifie que le service écosystémique n’a pas pour vocation d’être l’unique outil de gestion des territoires agricoles : évaluer un milieu uniquement par les services qu’il rend pourrait en effet conduire à négliger des écosystèmes « peu utiles » mais emblématiques et qu’il importe de gérer et préserver.
* Structuration du sol, fourniture d’azote minéral aux plantes cultivées, fourniture d’autres nutriments aux plantes cultivées, stockage et restitution de l’eau aux plantes cultivées, stabilisation des sols et contrôle de l’érosion, pollinisation des espèces cultivées, régulation des graines d’adventices, régulation des insectes ravageurs, atténuation naturelle des pesticides par le sol, régulation de la qualité de l’eau, stockage et restitution de l’eau, régulation du climat global, potentiel récréatif (activités de plein air avec ou sans prélèvement).