L'Inra fait le tour des stratégies de lutte contre l'antibioresistance
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« Nous identifions les stratégies pour réduire les utilisations d'antibiotiques, sans les bannir, car ils sont utiles. » Muriel Vayssier-Taussat, chef du département scientifique « Santé animale » de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), pose le cadre de la recherche sur l'antibiorésistance, jeudi 8 novembre 2018 à Paris. À l’occasion de la semaine mondiale de sensibilisation au bon usage des antibiotiques, du 12 au 18 novembre, qui se termine par la Journée européenne du même nom, l’institut fait le point sur les avancées scientifiques.
Véritable problème de santé publique, l’antibiorésistance est au cœur de la démarche OneHealth : la santé de l’Homme, de l’animal et de l’environnement sont liées, et ne font qu’une.
Réduction, alternatives et nouveaux médicaments
Trois stratégies sont conduites en parallèle pour lutter contre l’antibiorésistance :
- raisonner l’utilisation grâce à la bonne dose, à un traitement précoce reposant sur de meilleures techniques de détection, à l’utilisation de vaccins, etc. ;
- trouver des alternatives, par exemple avec des molécules qui dynamisent l’immunité (algues, tannins) ;
- élaborer de nouveaux antibiotiques éco-compatibles, ciblant uniquement les pathogènes, sans effet sur les bactéries de l’environnement.
En élevage, bien-être et traitements ciblés
« Nous travaillons sur des nouveaux modes d’élevage, qui renforcent le bien-être et la capacité de résistance de l’animal », annonce Françoise Médale, chef du département physiologie animale et systèmes d’élevage. La prévention des maladies passe par exemple par une meilleure alimentation des mères avant la gestation, afin d’orienter le microbiote du futur nouveau-né pour le rendre plus résistant, et ainsi éviter un traitement antibiotique contre les premières diarrhées.
Le bien-être des animaux s’améliorant lorsqu’ils sont élevés dans des conditions qui correspondent à leurs besoins, l’institut travaille à en établir les bases scientifiques. La surveillance en continue et l’utilisation d’algorithmes permettent de détecter les activités anormales, pour mieux les comprendre. En parallèle à ce travail de prévention, les chercheurs étudient la réduction de l’utilisation des antibiotiques grâce à des traitements ciblés et précoces, « le but étant de ne pas traiter le troupeau en entier à chaque infection », comme le rappelle Françoise Médale.
La diversité bactérienne, source de robustesse
Pour réduire l’usage des antibiotiques, la résistance doit être globale, mais aussi locale. Le cas des mammites, problématique de filière pour les produits laitiers, souligne l’importance de cultiver la robustesse à tous les niveaux de l’animal. « En travaillant sur l’écosystème mammaire des vaches, nous avons mis en évidence un lien entre la résistance aux mammites et la variété de la population bactérienne : plus la diversité est importante, moins le risque d’infection est grand », explique Yves Le Loir, directeur de l’unité Sciences et technologies du lait et de l’œuf. L’utilisation de probiotiques mammaires permet ainsi en expérimentation in vitro de prévenir les mammites.
Les algues, remède global
« Nous utilisons les algues en prébiotiques pour stimuler la réponse immunitaire du porc, explique Mustapha Berri, ingénieur de recherche à l’unité Infectiologie et santé publique. Grâce à une collaboration étroite avec la société OLMIX depuis cinq ans, les chercheurs de l’Inra ont mis en évidence la possibilité de freiner la croissance bactérienne grâce à Ulva armoricana, une variété d’algues récoltées en Bretagne : testée sur les 50 bactéries pouvant être trouvées dans un élevage, l’algue montre une inhibition sélective très intéressante, tout en contribuant à une réponse immunitaire plus forte.
« Cette algue reconnaît les récepteurs et produit des médiateurs de l’immunité », se félicite Mustapha Berri. Déjà utilisées pour stimuler la vie du sol et des cultures, les algues présentent un fort intérêt pour dynamiser l’immunité animale… Les algues, une authentique réponse OneHealth ?