L’Itab et l’Inra calculent les bénéfices de l’agriculture biologique
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Le 25 novembre à Paris, Natacha Sautereau, de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) et Marc Benoît, de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), ont révélé les résultats d’une étude sur les externalités de l’agriculture biologique et leur chiffrage économique, commandée un an plus tôt par Stéphane Le Foll. Le ministre de l’Agriculture souhaite, avec ce travail, justifier une plus grande reconnaissance des aménités du mode de production biologique. Et en conséquence, un soutien financier plus important avec la Pac post-2020.
Emploi : un gain pour la société entre 19 et 37 € par hectare
L’étude a révélé trois volets d’externalités générées par l’AB : l’environnement, la santé et l’emploi. Ainsi, l’AB nécessite davantage d’Unités de travail annuel (UTA) par hectare dans deux tiers des productions agricoles. Ce surcroît d’emploi ferait gagner à la société entre 19 et 37 € par hectare de grande culture. « Une étude supra-exploitation serait nécessaire pour conforter ce résultat, car un circuit court génère davantage d’activités », souligne Marc Benoît.
De nombreuses aménités environnementales
L’AB produit des aménités pour le sol en limitant sa dégradation chimique, physique et biologique. Ce mode d’agriculture produit également des services pour la qualité de l’eau avec une réduction des pesticides et de 40 % environ des nitrates lixiviés. Elle évite ainsi un coût de traitement et d’évitement allant de 20 à 46 € par hectare de grande culture.
L’AB favorise la biodiversité et les services écosystémiques, tels que la pollinisation. Elle limite les émissions de N2O, en ne recourant pas aux engrais minéraux azotés, et l’utilisation de phosphore. Par ailleurs, l’étude montre que le stock de matière organique dans les sols bio s’élève à 37,4 t/ha contre 26,7 t/ha en agriculture conventionnelle. « Avec un prix de la tonne de carbone de 46 euros, le bénéfice potentiel peut atteindre 23 euros par hectare », indiquent les auteurs.
En revanche, l’AB est plus consommatrice en ressources foncières du fait de ses moindres rendements, et pour la même raison son bilan d’utilisation d’énergie fossile est comparable à celui de l’agriculture conventionnelle, s’il est ramené au kilogramme produit.
L’aspect santé difficile à estimer
« Pour le volet santé, les incertitudes sont immenses, rendant difficile le chiffrage économique des aménités de l’AB », affirme Natacha Sautereau. De fait, « les effets retard et cocktail des produits phytopharmaceutiques, l’effet faible dose des perturbateurs endocriniens » rendent très difficile le lien entre la survenue d’un cancer chez un agriculteur - et du coût associé de sa prise en charge par la société - et l’usage professionnel des produits phytosanitaires. L’agriculture biologique utilise moins d’antibiotiques. Or, l’apparition d’antibiorésistance génère des coûts directs et indirects de 1,5 milliard d’euros par an en Union Européenne, selon l’OMS, indiquent les auteurs. Ont également été pris en compte la pollution de l’air, la sécurité sanitaire et les apports nutritionnels des aliments.
« L’AB produit des aménités extrêmement nombreuses, et son soutien financier est largement justifié sur la base des externalités identifiées, conclut Natacha Sautereau. En revanche, il semble impossible de fonder les calculs des montants de rémunération sur cette étude. Nous n’avons pas sommé les chiffrages économiques associés à chacune des aménités car cela conduirait à additionner trop d’incertitudes. »