Maladies infectieuses et pression sur l’environnement, l’Iddri fait le lien
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La modification des rapports entre les hommes et la faune est à l’origine de nombreuses maladies infectieuses, tel que le Covid-19. Un webinaire organisé le 16 avril par l’Iddri était consacré à cette question, et a permis de mettre en lumière le rôle du changement climatique et des atteintes à la biodiversité dans l’émergence de ce type de maladies. Le système One Health a toute sa place dans ce cadre.
Comme d’autres maladies infectieuses, comme le SRAS, Ebola ou même le Sida, le Covid-19 trouve son origine dans le monde animal. Depuis les années 1940, le nombre d’épidémie de maladies infectieuses est en constante augmentation. Près de 60 % d’entre elles sont zoonotiques. Dans un webinaire organisé le 16 avril, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a présenté les liens entre ces épidémies et les perturbations environnementales (changement climatique, perte de biodiversité, déforestation, etc), ainsi que des pistes de régulation. « Ces phénomènes d’épidémie ont une partie de leur origine dans les perturbations de notre environnement », pose en ouverture Lucien Chabason, conseiller de la direction à l’Iddri. Si la consommation d’animaux issus de la faune sauvage est bien entendu en cause, des pratiques liées à l’agriculture joueraient également un rôle dans l’émergence de ces épidémies.
La domestication des animaux facilite la transmission
Pour que l’épidémie passe de l’animal à l’humain, plusieurs facteurs entre en compte. La proximité accrue entre les deux espèces, favorisée par l’élevage et la destruction des habitats de certaines espèces sauvages en font partie. « L’évolution du nombre de maladies peut être corrélée avec la domestication des animaux, qui est source d’agents pathogènes pour les humains, souligne ainsi Gwenaël Vourc’h, directrice de recherche à l’INRAE et directrice adjointe de l’UMR Épidémiologie des maladies animales et zoonotiques. Dans les élevages intensifs, le nombre d’animaux, leur stress plus élevés, la faible diversité génétique rend ces derniers plus sensibles au développement de maladies. » La chercheuse rappelle ainsi que si les animaux sauvages représentaient 99 % du poids total des espèces sur Terre au néolithique, ceux-ci ont depuis été largement devancés par les animaux domestiques, qui représentent aujourd’hui 67 % de ce total.
La perte de biodiversité, un facteur aggravant
Le déclin de la biodiversité à l’œuvre actuellement aurait également un impact sur la plus grande émergence de ces maladies infectieuses. En réduisant les zones tampons entre les espèces, l’érosion de la biodiversité entraîne un accroissement des contacts entre les humains, la faune domestique et la faune sauvage. Et multiplie donc les risques de contamination. La déforestation et le changement d’utilisation des sols sont particulièrement pointés du doigt. A cela s’ajoute la pression du changement climatique, qui modifie la répartition des animaux sur le territoire et donc les zones à risque. La réaction des animaux aux infections pourrait également être modifiée. Pour Gwenaël Vourc’h, la crise sanitaire actuelle doit « être une occasion de réduire la pression anthropique repenser notre relation à l’environnement, car c’est ce que nous faisons de la biodiversité, comment nous la transformons qui favorise le passage des maladies ».
Régulation par la biodiversité ou institutionnelle ?
Pourtant, une biodiversité en bonne santé peut participer à la réduction de ces phénomènes, en régulant la circulation des agents pathogènes. Cela s’appelle l’effet de dilution. « Le nombre d’épidémie est lié au nombre de mammifères et oiseaux en danger », rappelle pour exemple Gwenaël Vourc’h. La biodiversité n’étant pas aujourd’hui à même de gérer ces phénomènes, des appels se manifestent pour mettre en place des mécanismes de régulation institutionnelle. Mais la question est délicate. « En ce qui concerne la déforestation, cela relève de la souveraineté nationale, il y a donc peu de discutions internationales sur le sujet », explique Yann Laurans, directeur du programme Biodiversité et écosystèmes de l’Iddri. Par ailleurs, ce dernier rappelle que les trois-quarts des pressions sur les espaces mondiaux sont liés à la consommation de viande (élevage et culture d’aliments pour le bétail). « L’étalement urbain, les cultures, l’élevage font pression sur ces espaces sauvages et l’Humain se rapproche de zones auparavant reculées, il faut donc agir sur l’ensemble de nos modèles économiques et de consommation », assure-t-il.
Pour réduire ce phénomène, des objectifs ciblés à intégrer dans la Convention sur la diversité biologique post-2020, pour accroître les surfaces des aires protégées, sont en cours de discussion. Yann Laurans regrette néanmoins l’absence de prise de mesures de ces enjeux au niveau mondial. Pourtant « une grande coopération sur le sujet sera indispensable pour gérer ces interfaces entre faunes sauvage et domestique, et ces pandémies. Le système One Health aurait sa place dans ce cadre », estime Lucien Chabason.