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Malgré les évolutions climatiques, le blé tendre a de l’avenir en Normandie à horizon 2100

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L’Association internationale de climatologie, AIC, a décerné le prix 2022 de la meilleure thèse en climatologie à François Beauvais. Ce docteur en géographie s’est penché sur l’avenir du blé tendre en Normandie, en fonction des évolutions climatiques prévues à l’horizon 2100. Pour limiter les impacts des changements climatiques, deux leviers principaux : la date de semis et le choix des variétés.

Malgré les évolutions climatiques, le blé tendre a de l’avenir en Normandie à horizon 2100
Malgré les évolutions climatiques, le blé tendre a de l’avenir en Normandie à horizon 2100

Le lauréat de la deuxième édition du prix international Gérard Beltrando, qui récompense la meilleure thèse en climatologie, est français. Docteur en géographie à l’université de Caen, François Beauvais s’est penché sur les conséquences des évolutions climatiques pour la culture de blé tendre dans une région où cette culture est importante, avec 24 % de la surface agricole utile : la Normandie. Ses travaux ont fait forte impression auprès du jury de l’Association internationale de climatologie, AIC. « Mes origines caennaises et mes grands-parents agriculteurs ont sans doute joué dans mon choix de sujet », sourit-il.

Témoignages de terrain précieux

Le Covid a contrarié le recueil de témoignages de terrain. Heureusement, François Beauvais a pu s’appuyer sur une vingtaine d’entretiens menés dans le cadre de son précédent mémoire. Il a aussi, malgré tout, participé à des réunions techniques avec des groupes d’agriculteurs animées par la Chambre d’agriculture, les syndicats locaux et la coopérative de Creully. « Ces réunions ont été très précieuses pour confirmer et étayer certaines idées issues de la bibliographie », affirme-t-il. Ses données sont en effet issues de la littérature scientifique, mais pas seulement. François Beauvais a réalisé des analyses de sol sur deux parcelles situées au nord et au sud de Caen, dans deux zones pédologiques bien distinctes, la seconde étant plus sensible au stress hydrique. Pour chacun des stades du blé, il a également suivi de près l’évolution de la réserve en eau d’une parcelle et utilisé des capteurs afin de relever la température au plus près de la plante. Enfin, l’essentiel de ce travail mobilise des données extraites de la modélisation prédictive du climat pour différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre.

2100, de bonnes et de mauvaises nouvelles

Sans surprise, l’analyse des projections climatiques existantes fait état d’une évolution de la météo, autour de Caen, vers plus de jours de chaleur (50 contre 10 aujourd’hui), et des sécheresses plus intenses et précoces, à horizon 2100. Quel effet sur le blé tendre ? « Le cycle de la culture sera plus court, explique François Beauvais. La récolte pourrait s’effectuer cinq semaines avant les normales actuelles. La bonne nouvelle, c’est que la moisson devancera donc les épisodes chauds et secs de juillet. » Il y a des inconvénients, toutefois : les stades de printemps seront aussi en avance, se réaliseraient alors en sortie d’hiver, moment de l’année où de basses températures pourraient encore survenir. Autre point d’inquiétude : le cycle s’avançant vers des jours plus courts, la photosynthèse sera moins importante. Enfin, dernier risque : les températures de l’automne et de l’hiver seraient trop élevées pour la vernalisation du blé, restant alors dans ce cas à l’état végétatif.

Normandie, pas le bassin le plus mal loti pour le blé tendre

La thèse de François Beauvais ne s’arrête pas aux constats. Elle esquisse les leviers d’adaptation pour les céréaliers Normands. « En identifiant les risques encourus par le blé à chacun des stades de la plante, il est possible de sélectionner les blés existants les plus adaptés, ou orienter la recherche vers de nouvelles variétés », glisse François Beauvais. Autre piste de travail, cumulable avec les nouvelles variétés : jouer sur les dates de semis afin de limiter les pires impacts sur la culture. D’autres leviers existent et pourraient être l’occasion de repenser les agrosystèmes : diversification des assolements, allongement des rotations culturales, faisabilité de nouvelles cultures qui pourraient avoir des débouchés locaux ou encore l’amélioration du potentiel agronomique des sols en réduisant leur travail pour conserver l’humus en surface.

Des travaux à approfondir

Le blé tendre n’est donc pas condamné à déserter la Normandie, d’autant que les conditions locales, en 2100, présentent un atout par rapport à six autres bassins de production analysés (1) par François Beauvais : « Les épisodes d’échaudage seront plus fréquents qu’aujourd’hui, mais moins que dans les régions plus continentales. » Pour aller encore plus loin, l’idée serait de poursuivre ces travaux avec des écophysiologistes du blé et des agronomes pour approfondir les recommandations faites aux agriculteurs, mais aussi affiner le maillage des prédictions climatiques dans la région. Si à ce stade, François Beauvais n’a pas encore trouvé les financements pour cela, il se dit pleinement motivé à l’idée de continuer son travail.

(1) Châteaudun (Eure-et-Loir), Dijon (Côte d’Or), Albert (Somme), Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Niort (Deux-Sèvres) et Auch (Gers)