Marées vertes : le point avec Pierre Aurousseau, président du Conseil scientifique de l’environnement de Bretagne
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Les marées vertes sont source de discorde entre les agriculteurs et la société en Bretagne. Le Conseil scientifique de l’environnement de Bretagne, le CSEB*, a rendu public le 24 septembre, à Rennes, un rapport sur l’état actuel des connaissances. Pour le Conseil, les agriculteurs doivent faire davantage d’efforts en matière de fertilisation. Entretien avec Pierre Aurousseau, professeur à Agrocampus Ouest et président du CSEB. Référence environnement :les nitrates d’origine agricoles sont-ils responsables des phénomènes de marées vertes ? Pierre Aurousseau : Oui, les études le montrent. Dans notre rapport, nous disons que la biomasse maximale atteinte annuellement est contrôlée par les apports d’azote et non par ceux de phosphore. Les apports azotés des bassins versants bretons se faisant majoritairement sous forme de nitrates issus du lessivage des terres agricoles, on peut considérer que le nitrate d’origine agricole est l’élément nutritif qui contrôle l’intensité des marées vertes. Cette conclusion vaut également pour les autres marées vertes mondiales : lagunes de Venise et du delta du Pô, Chine, Danemark… Les fuites d’azote des bassins versants bretons sont en moyenne de 3 à 5 fois supérieures à la normale. Il faut donc privilégier les actions préventives à la source sur le facteur « azote ». S’ajoutent aussi la profondeur, la turbidité de l’eau, l’éclairement, mais qui sont des conditions d’existence des algues et non des causes de prolifération. RE :Quels sont les risques pour la santé humaine ? P.A. : La dangerosité actuelle est liée principalement à l’hydrogène sulfuré produit par ces algues, un puissant toxique qui bloque la respiration cellulaire. Il altère le fonctionnement des organes « oxygène dépendants » comme le cerveau, le cœur, le rein. Lors de la manipulation des algues, il doit être recommandé le port de protections respiratoires. RE : Dans son rapport, le CSEB insiste beaucoup sur les dommages économiques causés par l’agriculture… P.A. : oui parce que la vocation touristique et résidentielle de la Bretagne est, au-delà des marées vertes, altérée par les impacts environnementaux de l’agriculture. Le ramassage des algues vertes a coûté 10 millions d’euros depuis 1990. En revanche, le montant global des dépenses publiques engagées depuis cette même date pour réduire les impacts environnementaux de l’agriculture est plus proche du milliard d’euros. Ce qui conduit à porter un diagnostic d’inefficacité des actions conduites. RE : Pensez-vous que les agriculteurs doivent allez plus loin dans la réduction de la fertilisation ? P.A. : Oui. Les solutions qui visent le respect de l’équilibre de la fertilisation constituent un premier niveau d’objectif incontournable. Mais dans certains sites particulièrement sensibles, il est plus que probable qu’il faille aller plus loin. La Directive cadre européenne sur l’eau, la DCE, précise qu’il faut « tenir compte des coûts et des avantages qui résultent de l’action ou de l’absence d’action ». Dans le cas des marées vertes, les risques pour la santé, les pertes de bien-être des résidents et celles du secteur touristique justifient probablement d’imposer des plafonds de fertilisation plus bas, bien que cela occasionne des coûts au secteur responsable de la pollution. On peut alors penser que les producteurs s’orienteraient vers les systèmes de production qui minimiseraient le coût de la baisse des plafonds. Propos recueillis par Stéphanie Ayrault • Le CSEB est composé de 24 chercheurs issus d’Agrocampus Ouest, de l’Ifremer, de l’Inra, du CNRS, du Cemagref, des Universités de Rennes et de Brest, du CHU et de l’Ecole nationale de la santé publique. • Le rapport est téléchargeable sur le site http://www.cseb-bretagne.fr/