Méthanisation végétale, des points de vigilance pour AgroParisTech et Inrae
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En bouleversant la rotation des exploitations de grandes cultures, la méthanisation sans élevage peut entraîner des effets positifs mais aussi négatifs sur l’environnement. Une étude, menée en Île-de-France par AgroParisTech et Inrae, analysent ces impacts et proposent des pistes d’actions.
La méthanisation sans élevage se développe, notamment dans les zones de grandes cultures. Mais ses impacts agronomiques et environnementaux sont mal connus. La Direction régionale et interdépartementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, Driaaf, d’Île-de-France, a commandé à AgroParisTech et Inrae une étude visant à modéliser ces impacts. Les principaux résultats ont été publiés le 5 juillet sur le site du ministère de l’Agriculture.
Un changement d’assolement
En effet, l’introduction de la méthanisation provoque une évolution des productions qui n’est pas sans conséquence. Dans les exploitations céréalières enquêtées, les cultures intermédiaires à vocation énergétique, ou Cive, sont cultivées sur 20 à 75 % de la surface agricole utile. Ces Cive sont essentiellement de l’orge et du maïs. Mais des agriculteurs testent également du seigle ou des mélanges de légumineuses et de céréales ainsi que du tournesol et du sorgho en Cive d’été. La méthanisation peut également inciter à une augmentation de la sole en maïs grain, cette culture pouvant être semée après une Cive d’hiver. Par ailleurs, par rapport à un couvert classique, les Cive sont conduites de manière assez intensive, avec une fertilisation et une protection phytosanitaire plus importantes, même si ces dernières sont moindres que pour des cultures principales.
Du côté de la fertilisation, les méthaniseurs produisent entre 10 000 et 27 000 m3 de digestat par an, épandu brut sur 60 % de la SAU en moyenne. L’épandage se fait principalement sur céréales d’hiver et remplace la plupart du temps le deuxième apport d’engrais azoté en sortie d’hiver.
Hausse du stockage du carbone
Quels sont alors les impacts environnementaux de ces évolutions agronomiques ? Des effets positifs sont mis en avant : une hausse de la production de biomasse à l’échelle de la parcelle et du stockage de carbone dans les sols, des économies d’engrais, une amélioration du bilan énergétique de la ferme. Sur les gaz à effet de serre, le bilan est plus mitigé : si la méthanisation permet une baisse des GES de l’activité agricole jusqu’à 30 %, du fait des économies en engrais minéraux, l’ensemble « exploitation agricole + méthaniseur » émet 23 à 66 % de GES de plus qu’une exploitation agricole seule.
Des effets négatifs sont également mis en exergue : hausse de la volatilisation ammoniacale, baisse potentielle de la recharge en eau des nappes du fait de la hausse des besoins hydriques, réduction éventuelle de la production de biomasse alimentaire. En effet, la présence de Cive en hiver impose un semis tardif des cultures de printemps, ce qui pénalise la production. La culture de Cive augmenterait également l’usage des produits phytosanitaires.
Des efforts sur les phytosanitaires
Tout est une question d’équilibre : l’ampleur des effets dépend des quantités de digestat épandues et de la part des Cive dans l’assolement, expliquent les auteurs. Ils insistent sur la prise en compte du choix de Cive et de leurs conduites culturales, notamment en matière de fertilisation et de protection phytosanitaire. « Dans tous les cas, des expérimentations supplémentaires sont nécessaires afin de définir des références pour la fertilisation des Cive, ainsi que les seuils de déclenchement éventuel d’une protection phytosanitaire de ces cultures », indiquent les auteurs de cette étude. Ils suggèrent de mener également une réflexion sur l’irrigation des Cive et leur impact sur la biodiversité.
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Synthèse des effets modélisés de la méthanisation sans élevage, selon l’étude d’AgroParisTech et Inrae[/caption]