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Mieux évaluer la performance carbone des systèmes de culture pour la bioéconomie

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 Le projet Solébiom touche à sa fin. Lancé en 2014, il vise à évaluer l’impact sur la fertilité des sols, et notamment du stockage de carbone, des systèmes de grandes cultures destinés à la production de biomasse pour la bioéconomie. En effet, dans ces situations, la production peut être supérieure à celle pour les débouchés alimentaires. « Ce qui représente un risque majeur de déstockage du carbone du sol, explique Stéphane Cadoux, chargé d’études agronomie et systèmes de culture chez Terres Inovia, lors du colloque de restitution du projet le 7 décembre à Paris. Or, ce sujet est au cœur des préoccupations des agriculteurs pour pérenniser leurs systèmes de production. »

Un outil de simulation en janvier 2019

Animé par Agro-Transfert, avec les instituts de recherche Inra et Irstea, et les instituts techniques Arvalis-Institut du végétal, Terres Inovia et Terres Univia, Solébiom a permis d’acquérir de nombreuses données. Lesquelles ont servi à améliorer le calcul du bilan humique nommé AMG, bâti par l’Inra en 1993, vis-à-vis de la dynamique de minéralisation des matières organiques du sol et de l’incorporation des produits résiduaires.

Plus concrètement, ces travaux ont abouti à une mise jour de l’outil Simeos-AMG, qui simule l’impact des systèmes de culture sur l’évolution de l’état organique du sol à long terme, soit plusieurs décennies. Destiné aux instituts techniques et aux structures de conseil, la nouvelle version sera disponible à la mi-janvier 2019. « Simeos est désormais plus adapté à l’évaluation de systèmes complexes et diversifiés, et à la prise en compte de la variété des contextes pédoclimatiques », explique Annie Duparque, chargée de mission à Agro-Transfert RT. L’outil a été validé sur des sites démonstrateurs en Picardie d’Agro-Transfert et sur les cinq plateformes du réseau inter-instituts Syppre, Systèmes de production performants et respectueux de l’environnement.

Huit nouvelles cultures

Initialement calibré pour 22 situations, il prend désormais en compte huit  nouvelles cultures (La cameline, la lentille, le sorgho, la moutarde noire graine, le colza associé légumineuse, le chanvre, le sarrasin, le lupin) et 35 couverts intermédiaires supplémentaires. « Nous allons l’utiliser davantage, notamment pour les cultures destinées à la méthanisation, explique Mathias Sexe, directeur agronomie et développement à la coopérative EMC2 (55), en marge du colloque et interrogé par Référence environnement. Si les simulations se font sur un pas de temps long, nous l’utiliserons pour des conseils quotidiens afin de faire évoluer les pratiques de nos adhérents. Les résultats de Solébiom montrent également que l’état initial des sols s’avère majeur dans la dynamique du carbone. Dans les situations où les sols sont pauvres, nous éviterons d’exporter trop de pailles. »

Méthanisation : incorporer les digestats dans les sols

Au final, est-il compatible de valoriser davantage de biomasse dans les filières de la bioéconomie et stocker du carbone ? « Les situations sont très contrastées et l’outil va permettre de mettre en avant les pratiques les plus vertueuses, explique Annie Duparque. Le devenir du carbone dans les sols est très sensible au contexte pédoclimatique et aux objectifs de production. Mais, par exemple, nos résultats ont montré que dans les sols argilo-calcaires, les marges de manœuvre sont importantes pour les cultures non alimentaires, car la minéralisation dans le sol est faible. On arrive à stocker du carbone ! » Autre exemple : pour les cultures intermédiaires à valorisation énergétique (Cive), notamment pour la méthanisation, l’incorporation des digestats dans les sols va permettre de pallier en partie au déstockage de carbone.

Pour Thomas Eglin, chargé de mission agronomie et environnement à l’Ademe, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie : « L’amélioration des outils de simulation sera particulièrement utile à l’évaluation des ressources de biomasse et à la planification des effets des pratiques sur le climat à long terme pour les territoires. »