Mildiou, « la reproduction sexuée est une piste pour des alternatives aux pesticides »
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Pour François Delmotte, directeur de recherche à l’Inrae de Bordeaux, la reproduction sexuée du mildiou de la vigne est encore peu connue. Pourtant, sa perturbation pourrait permettre de réduire la présence du bioagresseur dans les parcelles. L’Inrae et l’Université de Paris-Saclay viennent de faire une découverte inédite en la matière.
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Germination d’une oospore contenant les zoospores mobiles. Photo : Inrae de Bordeaux[/caption]
Des chercheurs Inrae de Bordeaux et de l’Université de Paris-Saclay ont identifié le groupe de gènes responsable du type sexuel chez le mildiou de la vigne. Les travaux ont été publiés le 14 août 2020 dans la revue Current Biology . Avec cette découverte, un nouveau moyen de lutte contre le mildiou de la vigne pourrait être envisagé. Explications avec François Delmotte, directeur de l’unité santé et agroécologie du vignoble (SAVE) à l’Institut de la vigne et du vin à Bordeaux.
Référence agro : Vous menez des travaux sur la reproduction sexuée du mildiou de la vigne. Pourquoi est-ce important ?
François Delmotte : Contrairement aux oïdiums, les mildious ne sont pas des champignons. Ils appartiennent au groupe des Straménopiles un groupe de microorganismes qui comprend les algues brunes et les diatomées. Le mildiou de la vigne fait partie des oomycètes comme les phytium ou les phytophthora. Si le mildiou se développe au cours de la saison sous sa forme asexuée, à la faveur des pluies, la reproduction sexuée est l’étape indispensable à son maintien l’année suivante. En vigne, elle se déroule à l’automne : l’inoculum (œUFS issus de la reproduction sexuée) présents dans les feuilles se retrouve dans le sol, assurant la survie du mildiou dans la parcelle et sa capacité à infester la plante au printemps suivant. La reproduction sexuée du mildiou est peu connue et pourrait être une piste pour trouver des alternatives aux pesticides. Nous lançons un programme sur le sujet et nous espérons obtenir des financements.
R.A. : Expliquez-nous les résultats que vous venez de publier dans Current Biology ?
F.D. : La découverte que nous venons de faire est fondamentale. Nous avons identifié la zone du génome lié au caractère sexuel de Plasmopora viticola, l’agent responsable du mildiou de la vigne. Une première pour les oomycètes. Le locus comprend 40 gènes dont l’un pourrait jouer le rôle de récepteur hormonal. Le mildiou est hermaphrodite mais il ne s’autoféconde pas. Il dispose en effet d’un système d’auto-incompatibilité (aussi appelé mating-type) qui favorise la fécondation croisée entre deux types sexuels, P1 et P2. Mais Les gènes impliqués n’avaient pas encore été identifiés chez les oomycètes, contrairement aux plantes et champignons. Reste à étudier de plus près le fonctionnement de ces gènes.
R.A. : Comment cette découverte peut-elle permettre de lutter contre le mildiou la vigne en diminuant le recours aux produits phytosanitaires ?
F.D. : Nous sommes encore loin d’une application concrète, mais il faut se pencher davantage sur le cycle sexué pour réduire les attaques de mildiou. Nous devrions mieux savoir gérer le stock d’inoculum et connaitre sa quantité dans le sol. La lutte contre le mildiou peut passer par des mesures prophylactiques, comme le ramassage des feuilles à l’automne, l’utilisation de mircoorganismes qui s’attaquent aux œufs, etc. Avec les résultats sur la génétique, nous pourrions imaginer des solutions identiques à la confusion sexuelle afin de perturber la reproduction sexuée, en saturant par exemple le milieu avec les hormones spécifiques de la reconnaissance des types sexuels. Des chercheurs japonais ont identifié il y a une dizaine d’années les hormones du mating type chez Phytophtora infestans, sans avoir trouver les gènes responsables de leur déterminisme. Nos deux travaux sont donc complémentaires. Ils ouvrent des perspectives nouvelles pour la compréhension du cycle sexué de tous les mildious !