« On continue à surestimer la surface nécessaire pour produire les biocarburants », selon Sofiprotéol
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Le Centre de recherche de la Commission européenne (JRC) et l’Ifpri (Institut international de recherche sur les politiques alimentaires) ont réévalué à la hausse les émissions de gaz à effet de serre associées au changement indirect d’utilisation des sols (Iluc) induit par le développement des biocarburants, dans un rapport publié le 18 mars (1). Réaction de Julien Coignac, en charge du dossier Iluc à la direction du développement durable de Sofiprotéol, l’établissement financier de la filière française des huiles et protéines végétales. Référence environnement : Que pensez-vous de la parution de cette étude ? Julien Coignac : Elle a été publiée la veille d’un débat important : celui du Conseil européen sur les objectifs énergétiques et climatiques pour 2030 qui s’est tenu les 20 et 21 mars. Ce qui pose la question de l’objectivité de ces instances. Personne n’a eu le temps de s’y pencher sérieusement avant le Conseil. Ce n’est pas la première fois que cela se produit. De plus, le modèle utilisé n’est toujours pas accessible au public et transparent. Référence environnement : l’étude revoit trois hypothèses principales par rapport à la simulation de 2011 : les prévisions de rendement, le calcul par groupe de cultures et la demande alimentaire. Quelle est pour vous la modification majeure ? Julien Coignac : Elle concerne le maintien en quantité et en qualité de l’alimentation humaine et animale alors que la demande en biocarburants augmente. Cette modification n’est pas cohérente puisque n’importe quel besoin supplémentaire pour un produit implique un rééquilibrage des autres demandes. C’est notamment le cas des matières premières agricoles. De plus, dans un contexte d’augmentation démographique et de changement des habitudes alimentaires, il n’est pas logique de conserver une demande pour l’alimentation humaine constante. Il est important de rappeler que le gaspillage alimentaire peut représenter jusqu’à 50 % de la production alimentaire mondiale, d’après l’étude de l’Institution of Mechanical Engineers. Référence environnement : Les auteurs critiquent l’étude de l’Inra publiée en 2013… Julien Coignac : Nous estimons que la critique de l’étude d’Alexandre Gohin (2), chercheur à l’Inra, formulée en annexe du rapport n’est pas correcte. Pour cela, le JRC et l’Ifpri utilisent des arguments purement méthodologiques liés à la technique de modélisation : selon eux, il n’y a pas de liaison de cause à effet claire entre l’augmentation des prix engendrés par la hausse de la demande en biocarburant et les rendements. Une position très discutable. De plus, contrairement à l’étude de l’Inra, leur modélisation ne tient pas compte de l’évolution de rendement attendue chez les oléagineux dans les quinze prochaines années. Ils continuent donc à surestimer considérablement la surface nécessaire pour produire les biocarburants, notamment du biodiesel, en gonflant injustement le facteur Iluc. La nouvelle étude modifie peu le coefficient Iluc pour le biodiesel par rapport à 2011, qui passe de 55 à 52 grammes de tonnes de CO2 / ha, ce qui reste énorme. Dans son étude où il utilise un modèle public et transparent, Alexandre Gohin obtient des facteurs Ilus réduits d’environ 80 % par rapport aux estimations Ifpri. (1) Voir notre article : Biocarburants et GES : l’Ifpri et le JRC réévaluent l’impact du changement d’affectation des sols (2) Le changement d’affectation des sols induit par la consommation européenne de biodiesel : une analyse de sensibilité aux évolutions des rendements agricoles Working Paper SMART-LERECO n.13-07.