Paiements pour services environnementaux : un projet pour se questionner sur le juste prix
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100 000 euros pour 18 jours de baignade dans le Lac au Duc de Ploërmel ! Gérard Gruau, directeur de recherche au CNRS de Rennes, ne force pas le trait. Il partage juste, le 17 octobre dans les locaux d’Eau de Paris, avec une soixantaine d’acteurs engagés dans le programme franco-anglais CPES-Interreg, le coût de la réparation quand une ressource naturelle est dégradée. En l’occurrence, une pollution aux cyanobacters principalement liée au phosphore d’origine agricole, et une dépollution, ponctuelle, avec l’épandage de peroxyde d’hydrogène dans la zone de baignade.
Cette aire de loisir fait partie des six sites pilotes du projet européen CPES-Interreg. Dans ce cas, la facture à régler permet d’interpeller les usagers sur la contribution qu’ils sont prêts à consentir. Les 382 agriculteurs concernés sont aussi invités à se prononcer sur l’accompagnement financier nécessaire au changement de leurs pratiques. Les mesures agro-environnementales (MAE), proposées depuis 1991, ont montré leur limite, comme dans de nombreux bassins versants.
L’option PSE à grande échelle
Et c’est là tout l’enjeu de l’expérimentation Interreg : comment construire, en 45 mois, des outils efficaces, agiles, transposables à grande échelle et pérennes pour améliorer la qualité de l’eau ? Initié voici tout juste un an, ce projet a pour originalité d'impliquer les acteurs de l’eau, de part et d’autre de la Manche, sous la houlette de quatorze organisations(1). Les démarches volontaires mobilisées dans le cadre des paiements pour services environnementaux (PSE) fondés sur la contractualisation entre acteurs publics et privés, donnent le cadre. Un modèle adopté bien avant que le plan biodiversité de Nicolas Hulot, validé par le comité interministériel biodiversité du 4 juillet 2018, ne les identifient comme un levier-clé pour les Agences de l’eau. Des PSE ont déjà montré par le passé leur viabilité au niveau local pour réduire les pollutions diffuses agricoles. Ici, l’idée est de changer d’échelle.
Durabilité financière et innovation sociale
Car, dans cette expérimentation, une large place est laissée à la dimension économique, via la comparaison entre des modèles agricoles avec et sans PSE. La co-construction entre les agriculteurs et l’ensemble des bénéficiaires de l’eau se révèle essentielle. À la fois pour obtenir le niveau de consentement du prix à payer par les usagers et pour mobiliser le monde agricole. « On ne travaille plus en silo, les PSE sont un petit laboratoire de science et de sociologie, explique Guillaume Pajot, du Centre de recherche et d’études scientifiques sur l’eau de Bretagne. Ils ouvrent plusieurs dimensions : l’eau, le sol, la biodiversité. »
L’objectif est d’inscrire les nouveaux modèles de culture et d’élevage dans la durée, sans retour en arrière possible, « de proposer une rémunération incitative des mesures et qui soit à la hauteur des objectifs ! », insiste Sara Hernandez, consultante chargée de construire le cadre réglementaire de la mise en place des PSE et pilotant les trois études de cas en France (2).
Partage de la boite à outils des PSE
À l’issue de l’expérimentation, ces PSE devront être reproductibles, dotés de mécanismes de suivi afin d’évaluer leur efficacité. La boite à outils des ressources mobilisées, le cadre des PSE ainsi que les résultats seront consultables sur la plateforme cpes.interreg.eu à partir de 2020 pour une diffusion à grande échelle, dans une diversité de situations. Ces PSE devront aussi être en phase avec les politiques environnementales et agricoles. D’ores et déjà, celui conçu avec Eau de Paris, l’agence de l’eau Seine-Normandie et en partenariat avec le ministère de l’Agriculture sur la zone « des sources de la Vigne », en Normandie-Centre, sera le premier en France notifié à la Commission européenne pour une entrée en vigueur en 2020.
(1) Le programme CPES-Interreg est doté d’un financement de 4 M€ dont 2,8 millions d’euros (M€) sur fonds européens. Présidé par Dave Cooper, de l’Université de Chichetser, il mobilise le syndicat Eau de Paris, le syndicat mixte du grand bassin de l’Oust, le syndicat d’eau du plateau de Roumois et du Plateau de Neubourg, l’ Agence de l’eau Seine-Normandie , le CNRS, l’Inra et l’université de Rennes, l’Université de Chichester, Southern water, Portsmouth water, South Downs National Park Authority, West Country Trust, Sara Hernadez Consulting, Environnement Agency.
(2) Bassin d’alimentation et de captage de Tremblay-Omonville, Sources de la Vigne, Lac au Duc et bassin versant de l’Yvel