Pesticides dans l’air, « rationnaliser la prise de décision publique », Jean-Paul Douzals, Irstea
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Lancé en avril 2017, le projet Prepare, financé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), a été porté pendant deux ans par l’unité mixte de recherche (UMR) Écosys de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), l’UMR Itap de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea), et l’Université de Wageningen. Il avait pour mission de rédiger des protocoles pour mesurer les émissions de pesticides dans l’air, afin d’harmoniser les données en la matière. Jean-Paul Douzals, directeur de recherche au sein de l’UMR Itap en charge du projet Prepare, explique à Référence environnement les enjeux d’une mesure standardisée des pesticides dans l’atmosphère.
Référence Environnement : Quels étaient les objectifs et l’ambition du projet Prepare ?
Jean-Paul Douzals : Le projet a été lancé en 2017, sous le pilotage de l’Inra dans le cadre d’un appel d’offre de l’Ademe portant sur la question de la qualité de l’air en général (1). Notre but était de travailler à l’harmonisation des protocoles internationaux d’évaluation de la contamination de l’air par les pesticides en se focalisant sur les émissions à la parcelle. Durant ces deux années de travaux, nous avons inventorié les protocoles existants et les jeux de données associées, pour finir par l’organisation d’un workshop international qui a réuni une vingtaine d’experts européens et américains pendant trois jours pour discuter de ces questions méthodologiques, échanger sur les pratiques respectives et stabiliser des protocoles sur la base du consensus.
R.E. : Comment s’opère la contamination de l’air par les pesticides ?
J-P.D. : Il existe deux voies principales. La première intervient lors de l’application, avec le phénomène de dérive aérienne. C’est-à-dire quand une partie de la bouillie appliquée est transportée hors de la parcelle par le vent. Il peut alors y avoir des contaminations de cours d’eau ou de plantes non-cibles. La seconde voie est la volatilisation après application. Une fois sur les plantes ou le sol, les produits peuvent en effet passer sous la forme de vapeur et être entraînés dans l’atmosphère. Notre objectif était donc de définir des protocoles pour ces deux voies.
R.E. : Pourquoi l’établissement de ces protocoles est important ?
J-P.D. : Si l’on prend l’exemple de la dérive aérienne, il n’existe actuellement pas de protocole normalisé pour caractériser les émissions depuis la parcelle cultivée. Cela rend compliqué la comparaison de résultats de mesures réalisées dans des conditions différentes. En harmonisant toutes ces données, l’idée est, à terme, de pouvoir mieux les comparer et rationaliser la prise de décision publique. Étant actuellement en train de rédiger ces protocoles, nous souhaiterions désormais tester aux champs certaines de nos hypothèses pour les valider. Cela nous permettrait de stabiliser certaines d’entre elles concernant les protocoles, notamment dans le cas des cultures pérennes.
R.E. : Quelles applications concrètes cette harmonisation pourrait-elle avoir ?
J-P.D. : Il existe beaucoup de moyens pour mesurer et détecter la présence de pesticides dans l’air. Mais expliquer ces données et leurs variations dans le temps et l’espace est plus complexe. Pour mettre en place des mesures de précaution, il est nécessaire de bien comprendre les données disponibles, afin de réduire les risques. Cela permet également de prendre des décisions basées sur des faits scientifiques fiables. Ces données pourraient être utiles, par exemple, dans la rédaction de chartes riverain.
(1) Coreta : Connaissance, réduction à la source et traitement des émissions dans l’Air. Les scientifiques porteurs du projet sont Carole Bedos (UMR Ecosys INRA), Erik Van den Berg (Wageningen University) et Jean-Paul Douzals (UMR ITAP Irstea)