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Pesticides et santé : améliorer le suivi des populations exposées

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Xavier Coumoul, toxicologiste, a rappelé les résultats de l’expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 2013 lors d’un séminaire organisé par le 5 octobre 2016 par la Société française de santé et environnement (SFSE) sur les pesticides et la santé à Paris. Cette étude ciblait deux types de populations : « ceux qui ont un usage professionnel des pesticides et qui y sont donc particulièrement exposés, et les populations plus sensibles c’est-à-dire les fœtus et les enfants. » La démarche consistait à synthétiser et analyser la littérature scientifique internationale touchant à ce sujet : « à partir de méta-analyses, nous avons posé des présomptions de lien entre l’exposition aux pesticides et le développement de pathologies chroniques. Puis nous avons établi des recommandations pour les actions à mettre en place. » Ainsi Xavier Coumoul insiste sur la faiblesse des données de recueil d’exposition. « On demande aux agriculteurs de noter les pesticides qu’ils épandent sur leurs parcelles, puis on ne recueille pas ces données. Alors ils ne les consignent plus ! », déplore-t-il. Il souhaite, comme ses collègues du groupe d’expertise, « une meilleure organisation du recueil des données d’usage des pesticides en milieu agricole », et « la poursuite des recherches concernant le lien entre l’exposition et les pathologies. » Les toxicités des mélanges et des faibles doses en particulier sont peu étudiées, or « on y est exposé de manière très chronique. »

Améliorer les connaissances sur l’exposition professionnelle

Face à la problématique de l’exposition aux pesticides des travailleurs agricoles, le ministère de l’Agriculture s’engage pour « anticiper et réduire le risque mais aussi le suivre via la phytopharmacovigilance », affirme Olivier Briand, de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Il souligne l’objectif de réduction de l’exposition aux produits de protection des plantes (PPP). « Les suppressions et substitutions des agents dangereux sont au cœur des priorités ; il n’y a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dès lors que des solutions plus sûres et saines existent. » Le ministère prévoit également d’améliorer les connaissances sur les expositions professionnelles. « On est actuellement sur des approches populationnelles. Il faut se donner les moyens d’un suivi individuel des expositions via le suivi médical des exposés », indique Olivier Briand.

Family farm study

Concernant la réparation des maladies professionnelles, il explique que le gouvernement réfléchit à l’application d’une proposition de la sénatrice Bonnefoy pour « créer un fond d’indemnisation des victimes des pesticides et aller plus loin dans les démarches d’indemnisation. » Enfin, il annonce le lancement d’une family farm study par le ministère de l’Agriculture en janvier 2017. « Cela permettra de suivre non seulement les exploitants mais aussi leur conjoint, dont on sait qu’il participe souvent aux travaux agricoles, et leurs enfants. »

Multiplier les sources d’informations pour anticiper le risque

Louis Laurent, de l’Anses, est revenu sur le « schéma traditionnel de réflexion face au risque » en inventoriant les diverses démarches qui y prennent part. Parmi elles, la recherche. Les projets scientifiques présentent néanmoins des contraintes : « il faut compter un délai important entre le début du financement et l’obtention de résultats, de l’ordre de cinq ou six ans. De plus la recherche n’est pas totalement libre, elle favorise le conservatisme pour convaincre les financeurs. »

D’autres dispositifs prennent place dans la réflexion face au risque, telle que la prospective, « pratiquée par la plupart des agences sanitaires nationales et européennes », précise Louis Laurent. Cette étude consiste à imaginer des scenarii en sortant des schémas de pensée habituels pour acquérir une vision systémique. Elle s’appuie sur la démarche de veille, qui « vise à identifier des tendances parmi un amas d’informations et d’événements repérés sur les réseaux sociaux », en lui donnant du sens.

Enfin, Louis Laurent expose l’importance de la vigilance exercée suite à la prise de décision - dans le cas des pesticides, à l’AMM. « La vigilance est exercée via trois piliers : le réseau de surveillance, les études ad hoc réalisées par les équipes de recherche et les signalement spontanés. En matière de pesticides, cela constitue la démarche de phytopharmacovigilance (PPV) », évoquée plus tôt par Olivier Briand.