Réduire de 80 % les pesticides en viticulture via la résistance variétale
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« Réduire le nombre de sorties du pulvé de plus de 60 %, idéalement de 80 %. » C’est l’ambition à long terme exprimée par le PDG de l’Inra, Philippe Mauguin, le 16 janvier à Paris. Un objectif qui passe par un renouvellement du matériel de pulvérisation, une montée en puissance du biocontrôle, mais surtout par la sélection variétale. Dans le viseur : les résistances à l’oïdium et au mildiou.
La résistance polygénique, plus efficace et plus durable
« Les gènes de résistance aux maladies de la vigne sont un bien rare et précieux, précise Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Inra. Si un pathogène contourne une résistance, le gène impliqué est définitivement perdu. » Autre certitude avancée : la combinaison de plusieurs gènes de résistance, ou résistance polygénique, est plus efficace et plus durable dans le temps.
Toutefois, les résistances monogéniques sont encore travaillées : « Les vignerons sont demandeurs, car certaines de ces variétés ont fait leur preuve au niveau gustatif, un critère prioritaire à leurs yeux », explique Jean-Pierre Van Ruyskensvelde, directeur général de l’Institut de la vigne et du vin, IFV.
Des inscriptions attendues en décembre 2017
L’avenir est pourtant bien dans la combinaison des résistances. L’inscription de quatre de ces variétés au catalogue est attendue pour décembre 2017, deux en cépages blancs, deux en cépages rouge. Ces variétés auront encore plusieurs étapes à franchir avant d’être proposées aux vignerons, a priori en 2021. 37 autres variétés sont encore dans le pipe-line d’innovation de l’Inra, dont 19 devraient être présentées au comité technique permanent de la sélection (CTPS) à partir de 2020.
Enfin, l’IFV et l’Inra ont produit, en lien avec l’interprofession, environ 40 000 graines en 2016, soient autant de génomes à sélectionner dans les années avenir. « Ce vaste travail ne débouchera peut-être qu’à une cinquantaine de variétés au final, à l’horizon 2030 », précise Jean-Pierre Van Ruyskensvelde.
Rapprocher résistance et typicité des cépages actuels…
Ces variétés seront conçues pour avoir un patrimoine génétique le plus proche possible des grands cépages, avec des ADN similaires à 95, voire 98 % similaires. Car les vignerons sont attachés à la typicité des vins actuels. L’accueil des professionnels est au cœur du travail de sélectionneur. Les lancements peu convaincants de variétés à résistance monogénique, en Allemagne et en Italie, incitent Philippe Mauguin à impliquer le terrain : « Nous voulons co-responsabiliser les producteurs dans nos travaux et dans leur diffusion. Des accords seront signés lors du Salon de l’agriculture avec certains bassins de producteurs. »
Sont notamment évoqués le Pays d’Oc, le Cognac et le Languedoc, dans un premier temps. En tant qu'ancien président de l’INAO, Philippe Mauguin a par ailleurs affirmé qu’associer résistance et AOP n’est pas absolument incompatible.
…sans renoncer aux variétés complètement nouvelles
Les chercheurs ne désespèrent toutefois pas de convaincre les vignerons d’adopter des variétés toutes neuves. « Les quatre variétés inscrites en décembre prochain seront tout à fait nouvelles, même si l’un des rouges se rapproche d’un gamay, et l’un des blancs peut être comparé à un chardonnay », détaille Christian Huyghe. « Il peut y avoir de très bonnes surprises », insiste Philippe Mauguin.
Respecter les attentes sociétales
Autre sensibilité à respecter : celle du consommateur, qui a ses attentes propres quant aux méthodes de sélection. « Nous ne travaillons pas la transgénèse, tranche Philippe Mauguin. Nous utilisons une méthode de croisement traditionnelle, assistée par des marqueurs génétiques qui permettent de cerner plus vite les variétés. » Ce qui n’empêche pas la sélection française d’être la plus performante du monde en vigne, selon lui.
Un observatoire national du déploiement des cépages résistants
L’observatoire national du déploiement des cépages résistants (OsCaR) est en cours de mise en place. Il a pour vocation la surveillance, mais aussi la démonstration et le partage d’expérience sur les variétés résistantes. Si quelques parcelles ont déjà intégré le dispositif en 2015 et 16, la montée en puissance est attendue pour 2017 et surtout 2018, au fil des inscriptions au catalogue.