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Reterritorialisation et PSE, un rapport prospectif imagine l’agriculture en 2035

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Reterritorialisation et PSE, un rapport prospectif imagine l’agriculture en 2035
Reterritorialisation et PSE, un rapport prospectif imagine l’agriculture en 2035

La littérature prospective sur l’agriculture est de plus en plus florissante. En février, l’Inrae dévoilait une étude sur l’évolution des agricultures européennes et mondiales à l’horizon 2050. Le même horizon est au cœur du rapport prospectif du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), rendu public le 5 mars. Pour se faire, une première image de l’agriculture française en 2035 a été dessinée, à partir des nombreuses études disponibles sur le sujet. Elle représente « un futur possible de l’agriculture considéré comme le plus vraisemblable », en fonction de plusieurs tendances ou ruptures « jugées possibles » d’ici à 2035.

Trois lignes directrices s’en dégagent : la question agricole, en tant qu’enjeu de sécurité alimentaire, n’est plus une priorité des agendas politiques, sauf au niveau régional ; les transitions technologiques sont mieux admises au nom du développement durable ; la sensibilité aux questions d’environnement, de changement climatique, de biodiversité et de bien-être animal entraîne le développement des agricultures locales non productivistes et démondialisées.

Recentrage sur les besoins alimentaires locaux en 2035

Résultat de ces tendances, l’agriculture française serait, dans quinze ans, essentiellement caractérisée par « un recentrage sur les besoins alimentaires et non alimentaires locaux assez loin des enjeux de sécurité alimentaire mondiale. ». Cela se traduirait par une reterritorialisation de l’agriculture, qui suivrait un modèle « démondialisé non-productiviste », de manière croissante. Bien que minoritaire une « agriculture de firme » survivrait sur certaines parties du territoire, et alimenterait aussi bien l’exportation que les marchés locaux, également en circuits courts ou bio. La priorité serait néanmoins de répondre à une demande locale de qualité. En ce qui concerne la santé économique des exploitations, le rapport indique que l’équilibre n’est atteint que grâce à des revenus extérieurs ou paiements pour services environnementaux, qui contribuent néanmoins « à la reconnaissance et l’insertion des agriculteurs dans le territoire ». Le maintien du revenu est également maintenu du fait de la disparition d’un cinquième des exploitations.

Quatre scénarios

Si en 2035, les pratiques agricoles ont évolué vers plus de proximité et une plus grande prise en compte de la biodiversité, sans pour autant provoquer de révolution de modèle, qu’en est-il en 2050 ? Le rapport propose quatre scénarios :

  • Sobriété savante : Dans ce scénario, les avancées scientifiques et technologies refondent les approches de l’agriculture alors que la prise en compte de l’environnement est déterminante. Ces facteurs aboutissent à une croissance de la demande alimentaire mondiale moins forte que prévue et donc à une réduction des pertes et gaspillages. Les exploitations agricoles sont moins grandes mais plus nombreuses et plus diversifiées, aux pratiques plus sobres, aboutissant également à des marchés agricoles plus régionalisés.
  • Capitalisme environnemental : Ici, les évolutions climatiques néfastes provoquent de nombreuses catastrophes (sécheresses, incendies, hivers polaires, inondations, etc). Conséquence, une approche plus éthique du « bien-commun » se développe et la prise en compte de l’environnement se généralise dans les échanges économiques. La priorité est la réduction de l’empreinte carbone des activités, reléguant au second plan les discussions sur les limites à imposer aux évolutions scientifiques. Résultat, la transition agricole climatique devient une réalité en France et dans le monde. Le surplus de terre en France permet au pays de valoriser ces territoires et de produire des services environnementaux.
  • Renouveau productiviste : sous l’effet du développement des conflits et des tensions économiques, les marchés mondiaux agricoles se sont dérégulés, remettant sur le devant de la scène l’enjeu de sécurité alimentaire. D’autant plus que la reterritorialisation de l’agriculture engagée après 2020 n’a pas réellement abouti. Néanmoins, des évolutions technologiques permettent le déploiement d’un « nouveau productivisme agricole » durable. L’agriculture de firme, même en bio, devient réalité, dans la perspective d’une optimisation énergétique globale.
  • Citoyens des territoires : dans un contexte de crise écologique, les tensions et les risques sanitaires se multiplient. Dans ce contexte, les « citoyens-consommateurs » voulant reprendre leur destin en main sont majoritaires. L’attachement au territoire aboutit au développement de productions plus vertueuses. Dans ce scénario, les agricultures sont très différenciées en fonction des types de territoires (urbains, péri-urbains, ruraux). Pour s’adapter à ces dynamiques territoriales, de nouvelles gouvernances basées sur la concertation, ainsi que les consultations citoyennes, sont désormais la norme.

Néanmoins, rappellent les auteurs, l’image de 2025 sur laquelle repose la construction de ces scénarios, suppose que des choix politiques sur les politiques européennes et françaises soient intervenus, tels que le développement de l’agriculture biologique et l’agroécologie, le renoncement à une Pac avant 2035 en faveur de PSE gérés régionalement, ou encore l’abandon la priorité donnée à la transition énergétique, au détriment par exemple de la détaxation du fuel agricole.