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SDHI, l’Anses réitère son besoin d’éléments scientifiques probants

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« Tout nouvel élément dans la littérature scientifique est pris en compte par l’Agence pour réviser ses évaluations de risque », a rappelé Roger Genet, lors de son audition du 23 janvier 2020 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Face aux parlementaires s’intéressant à la controverse sur la toxicité des SDHI, le directeur général de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, a rappelé qu’à ce jour, « en France ou ailleurs, aucun élément n’est venu confirmer l’existence d’une alerte sanitaire qui pourrait conduire au retrait des autorisations de mise sur le marché des produits qui contiennent ces substances actives. »

Dans une tribune parue dans Le Monde le 21 janvier, 450 scientifiques appellent à « mettre en œuvre au plus vite l’arrêt de l’usage des SDHI en milieu ouvert », suite à l’article scientifique de Pierre Rustin sur la potentielle toxicité de cette famille de fongicides. Les associations Générations futures, Nous voulons des coquelicots et FNE demandent quant à eux l’interdiction de trois produits dans un délai de deux mois, après quoi ils saisiront le Tribunal administratif de Lyon.

Croiser les sources

« La base de l’expertise collective est de croiser les sources, a précisé Roger Genet. Et d’expliquer que les études d’une seule équipe de chercheurs exigent d’être confirmées par d’autres. D’autant plus que le niveau d’incertitude de ces études est fort. Le responsable de l’Anses s’est appuyé sur la conclusion d’un des deux experts mentionnés dans le rapport de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (cnDAspe) : « les informations rapportées sont sujettes à discussion en raison des incertitudes expérimentales relevées. Le lien entre un effet inhibiteur de fongicides sur l’activité de la SDH et une induction de pathologie chez l’Homme n’est pas recevable ».

L’Anses reste vigilante

« Nous ne sommes pas restés sans rien faire suite à cette alerte, a précisé Roger Genet. La cnDAspe conclut d’ailleurs dans son rapport que l’Anses a traité le signalement qui lui a été communiqué par l’équipe de chercheurs de manière réactive et approfondie. »

La vigilance reste de mise. L’Agence s’est à nouveau saisie sur la question fin 2019 et ses collectifs d’experts passent en revue les données récentes de la littérature pour actualiser le travail mené en 2018. Les premiers résultats sont attendus pour le premier semestre 2020. L’Agence a par ailleurs lancé un appel à la vigilance au niveau européen (le boscalid, qui voit son approbation expirer au 31 juillet 2020, est réévalué) et international. Elle souligne la nécessité de renforcer la recherche sur de potentiels effets toxicologiques chez l’Homme et finance de nouveaux travaux spécifiques. Enfin, elle a saisi l’Inserm pour qu’un volet SDHI soit inséré dans l’expertise collective sur les effets sanitaires liés aux produits phytopharmaceutiques. Les résultats de cette expertise est attendue pour fin avril. L’Agence surveille également les SDHI dans le cadre de la phytopharmacovigilance et les expositions cumulées via l’alimentation.

Pas de bons et de mauvais experts

« On oppose souvent les experts des agences sanitaires aux scientifiques du monde académique. Ce sont les mêmes personnes. Nous recrutons, dans nos comités d’experts, des scientifiques de l’Inra, du CNRS, de l’Inserm, des universités », a expliqué Roger Genet. Parmi les chercheurs investis dans des projets de recherche lancés par l’Anses figurent d’ailleurs des scientifiques ayant signé la tribune publiée dans Libération en avril 2018.

Le directeur général de l’Anses a également rappelé que l’Agence réévalue sans cesse les molécules et produits à l’aune de progrès et nouvelles données scientifiques. Et que des AMM tombent et ce, « sans même attendre les décisions communautaires sur les substances en question ». Dernier exemple en date : l’époxiconazole.

« Le débat doit avoir lieu dans les instances scientifiques plutôt que dans la presse. On ne peut pas prendre les avis de l’Anses quand ils vont dans le sens attendu, se féliciter que l’Anses interdise le glyphosate, l’époxiconazole, etc. et ensuite les rejeter quand ils ne disent pas ce qu’on veut entendre », a-t-il conclu.