« Se passer des produits phytosanitaires de synthèse ne peut pas être une aventure franco-française », Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle
Le | Recherche-developpement
« Vers une agriculture sans pesticides de synthèse ». C’est le titre d’un document publié par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) à l’automne 2018, et qui pose les bases d’un travail d’ampleur européenne. L’Inra et 17 instituts européens avancent ensemble pour échanger les idées favorisant les pratiques alternatives aux pesticides. Après deux premiers ateliers en octobre 2018 et mai 2019, un troisième temps fort était organisé le 23 octobre 2019. Le député de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier, invité par l’Inra pour représenter les parlementaires français, revient sur cet évènement.
Référence environnement : Quels sont les contours de ce réseau de recherche européen sur une agriculture sans pesticides de synthèse ?
Dominique Potier : L’initiative, portée par l’Inra, remonte à un peu plus d’un an. Le principe de départ est le suivant, et il est bon : se passer des produits phytosanitaires de synthèse ne peut pas être une aventure franco-française. Mais la France peut être le moteur de cette évolution. L’idée de penser « Europe » permet de poser le problème d’une manière plus ouverte, plus large, avec des questions diverses allant de « aurons-nous assez à manger demain ? » à « comment favoriser le cycle du phosphore ? »
Se passer des pesticides est une petite révolution. Ce réseau pose comme principe que la chimie, c’est la logique de 1950, et que cent ans plus tard, l’agriculture sera passée à autre chose. Il ne s’agit pas de nier la fonction remplie par la chimie pendant ce pas de temps, son utilité, mais d’avancer en prenant en compte des alternatives plus durables.
R.E. : Quelles sont vos impressions sur l’atelier s’étant déroulé le 23 octobre à Helsinki ?
D.P. : J’ai trouvé l’ambiance extraordinaire. Les chercheurs de 18 pays étaient tous passionnés et mus par une logique contributive, collective. J’ai personnellement découvert des approches nouvelles à mes yeux, comme l’utilité d’une mosaïque de paysages diversifiés, ou les perspectives agroécologiques qui s’ouvrent grâce au mélange de variétés. Ce troisième atelier réunissait, pour la première fois, d’autres acteurs que ceux de la recherche, notamment les représentants de firmes phyto, le syndicat d’exploitants agricoles européen (Copa)…
Il est réjouissant de voir la sphère scientifique tracer un horizon sur la question des pesticides. Cette approche partagée au niveau européen donne du souffle face aux impasses qui existent dans les débats à ce sujet.
R.E. : Quelle résonance politique pourrait prendre ce projet ? Comment influence-t-il votre vision de l’avenir agricole ?
D.P. : Le contenu et l’esprit de cette journée alimentent selon moi trois grandes pistes à travailler. Tout d’abord, un retour aux fondamentaux au niveau européen, concernant l’agriculture. À l’heure où une nouvelle Commission s’installe, cette synergie doit influencer les politiques de l’UE. Je pense, à ce sujet, qu’il faut inciter l’Europe à coopérer davantage avec l’Afrique.
Ensuite, sur l’impératif de remettre le sol au premier plan, la logique « One health » ne doit pas porter uniquement sur la santé des hommes, des animaux, des végétaux. Elle doit inclure le sol, que l’on doit mieux protéger et partager.
Enfin, à un niveau plus « économique » ou « marché », je pense qu’il faut desserrer l’étreinte autour du bio, et ne pas lui faire porter tous les efforts de durabilité. C’est prendre le risque d’une crise de croissance qui déformerait la logique bio, comme on a failli le voir avec les serres chauffées ! La HVE peut apporter une respiration et être un tremplin vers le bio pour ceux qui veulent se convertir. Pourquoi pas, à terme, remplacer les MAEc par la HVE ? Il est possible, au niveau français, d’appuyer la HVE sur les fonds du second pilier de la Pac.