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Sécurité alimentaire et agroécologie, des objectifs difficiles à atteindre « simultanément »

Le | Recherche-developpement

Pour imaginer l’avenir de la sécurité alimentaire, dans un contexte de changement climatique et d’augmentation exponentielle de la population mondiale, l’étude prospective Agrimonde-Terra a élaboré cinq scénarios. Les résultats, publiés le 8 juillet, soulignent la difficulté de la préservation conjointe de la sécurité mondiale et du climat à l’horizon 2050.

Sécurité alimentaire et agroécologie, des objectifs difficiles à atteindre « simultanément »
Sécurité alimentaire et agroécologie, des objectifs difficiles à atteindre « simultanément »

Après un premier travail prospectif terminé en 2011, l’étude prospective Agrimonde-Terra, coordonnée par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture et l’environnement (Inrae), s’est intéressée au sujet de l’utilisation des sols et de la sécurité alimentaire en 2050. Les résultats de ces travaux, publiés le 8 juillet 2020 dans la revue PLOS ONE, soulignent les défis à relever en la matière au cours des trois prochaines décennies. Pour mieux comprendre les relations entre ces deux phénomènes, dans un contexte de réchauffement climatique et d’augmentation conséquente de la population mondiale, l’étude a défini cinq scénarios. Ceux-ci prennent en compte, de manière assez inédite, les aspects nutritionnels, de santé ou d’urbanisation.

Cinq scénarios contrastés

Les trois premiers scénarios ont été construits à partir de tendances mondiales actuelles : la métropolisation, où la commercialisation d’aliments ultra-transformée et la consommation de produits d’origine animale augmentent ; la régionalisation qui voit les liens entre les villes de taille moyenne et les zones rurales se développer ; le scénario dit des ménages, consacrant l’émergence de modèles hybrides entre tradition et modernité, et où les exploitations familiales et les coopératives sont des acteurs majeurs de l’usage des terres. Deux autres scénarios de rupture complètent ce panel : un premier envisage un basculement radical vers des régimes sains entraîné par une coopération mondiale pour stabiliser le changement climatique ; un second, dit de « Communautés », considère un développement basé sur de petites villes et des communautés rurales, qui se concentrent sur la gestion des biens agricoles communs afin d’assurer la sécurité alimentaire.

Un ensemble d’objectif difficile à atteindre

Après simulations, le constat tiré par l’étude est peu encourageant. Selon elle, « nourrir les populations en quantité et en qualité suffisantes, développer des systèmes de production et des pratiques agricoles agroécologiques et préserver les forêts dans un contexte de changement climatique s’avère être un ensemble d’objectifs difficile à atteindre simultanément ». Dans tous les scénarios, les surfaces des forêts diminuent au profit des terres agricoles, avec une tension maximale dans les scénarios « Métropolisation » et « Communautés ». Celui des « Régimes sains » serait le seul « susceptible de permettre le maintien des surfaces forestières et le développement de systèmes agricoles plus durables ». C’est également le plus à même de garantir une alimentation favorable à la santé. Les régions de l’Afrique Subsaharienne et de l’Inde seraient particulièrement concernées par ces tensions.

Pour une gouvernance mondiale

« Il n’y a pas de voie tracée pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle mondiale, souligne l’étude. Changer le cours des tendances actuelles nécessite une transformation systémique, des politiques publiques et des actions cohérentes de la part d’un large éventail d’acteurs. » Pour gérer au mieux ces défis, les auteurs de l’étude appellent à la mise en œuvre d’une gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire et de l’utilisation des sols. Si les spécificités de chaque région seront à prendre en compte, le document encourage une moindre consommation de produits d’origine animale (hors Afrique Sub-saharienne et Inde), en faveur des céréales, légumes et légumineuses. Enfin, les échanges internationaux restent, dans tous les scénarios, nécessaires pour assurer la disponibilité alimentaire mondiale en 2050.