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Agribalyse 3.0, pour accélérer l’écoconception des produits alimentaires

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Agribalyse 3.0, pour accélérer l’écoconception des produits alimentaires
Agribalyse 3.0, pour accélérer l’écoconception des produits alimentaires

Et si l’atténuation du changement climatique passait, aussi, par la composition des menus ? C’est ce levier que souhaite actionner l’Ademe. Le Giec recommande d’atteindre en 2030 l’objectif de 1 100 g équivalent C02 en moyenne par repas en termes d’émissions de gaz à effet de serre, contre 1 800 g eq C02 évalués en 2018. Cette baisse de 44 % de l’impact de l’alimentation s’aligne avec l’objectif de contenir la hausse des températures en dessous des 2 °C. Pour enclencher le changement de comportement, l’idée est d’envoyer d’abord des signaux aux industriels, aux restaurateurs, puis aux consommateurs, via l’étiquetage, en s’appuyant sur l’indicateur d’Analyse de cycle de vie (ACV) des produits.

2 500 références de produits alimentaires via Agribalyse 3.0

Si l’ACV regroupe quatorze critères, il est surtout centré pour le moment sur le bilan carbone. Dans ce cadre, l’Ademe et quatorze partenaires de la recherche et des instituts techniques agricoles, soit plus de 200 experts, travaillent depuis 2009 sur la base de données agricoles Agribalyse, désormais étendue aux aliments transformés. Chaque famille d’aliments, pain, yaourt, pizza, jambon, fromages pour ne citer qu’eux… possède son ACV en équivalent émissions C02 par kilogramme. La version 3.0 d’Agribalyse, avec 2 500 références, sera ouverte le 28 avril. « Ce socle commun doit favoriser l’écoconception des produits transformés et est applicable à différentes échelles de la chaine agroalimentaire, y compris pour la restauration collective  », a souligné Vincent Collomb, ingénieur évaluation environnementale et écoconception des produits alimentaires à l’Ademe, lors de la conférence de présentation organisée sur le salon de l’Agriculture, le 24 février.

Les opérateurs pourront s’approprier ces données pour calculer leur propre indicateur selon la recette de chaque catégorie de produit et, si besoin, la modifier afin de se positionner par rapport à ces valeurs moyennes. L’État vient aussi de lancer, le 21 février, une phase d’expérimentation sur 18 mois pour résoudre un autre problème complexe : trouver la bonne signalétique sur l’étiquette afin d’adosser le bilan ACV au Nutriscore, et de l’ajouter à d’autres labels de qualité, privés comme public. Sachant que plus le visuel est simple, plus il est efficace.

Une ACV incomplète qui inquiète les filières

La filière agricole travaille sur le label bas carbone. Toute la question porte sur la superposition de nombreuses informations, y compris les biais. Car si l’ACV agrège un maximum de paramètres environnementaux, elle n’est pas performante pour prendre en compte les bénéfices sur la qualité de la biodiversité, de l’eau, liés à un système de production, ni sur le stockage du carbone dans les sols, facteur d’atténuation du changement climatique, comme c’est le cas avec l’élevage à l’herbe. Le bien-être animal, dont une signalétique est aussi en réflexion, n’entre pas non plus dans ce périmètre.

« Des avertissements méthodologiques sur ces autres bénéfices environnementaux, afin de faire connaitre ces biais, seront indiqués dans Agribalyse, a tenu à rassurer Jérôme Mousset, chef de service forêt, alimentation et bioéconomie à l’Ademe. L’objectif est d’aller dans un sens positif. Nous ne sommes pas encore à l’étape de l’affichage environnemental. » Néanmoins, les filières craignent que des opérateurs comme Yuka utilisent ces data brutes, induisant une valeur environnementale ou une ACV faussée sur l’appli par rapport au bilan écologique global.

Vers une ACV bio à ajouter

L’agriculture biologique et les produits qui en sont issus n’entrent pas dans le champ de ces calculs d’ACV car l’unité de CO2 est ramenée à la quantité produite. L’effet de masse, moindre dans ce système de production, mettrait cette filière dans le rouge. Une ACV bio spécifique devrait aussi être présentée le 28 avril. Quid, dans ce cas, des systèmes en démarche HVE ou fondés sur l’agroécologie, elles aussi reconnues pour leurs bénéfices sur les écosystèmes ? « Les travaux doivent porter sur tous les systèmes de production, l’approche ne peut être linéaire et doit concerner l’ensemble des impacts », a insisté Philippe Mauguin, P-d.g. de l’Inra en conclusion des échanges. Mettant ainsi en exergue une volonté de coconstruction et l’aspect évolutif des travaux. Un vrai sujet de réflexion.

  • Menu bas carbone en restauration collective avec 20 % d’émissions de GES en moins, c’est possible !

La mairie de Paris a expérimenté en 2018, dans des cantines du 10e et du 9e arrondissement, la mise en place de repas bas carbone. Le personnel, les enseignants et les enfants ont été sensibilisés au projet. Les repas sont conçus avec l’aide d’un outil qui calcule les émissions de gaz à effet de serre de chaque plat. Les résultats ont été présentés en février 2020. Cette prise en compte, en amont, de l’impact GES dans la composition des menus, a fait baisser de 20 % le bilan moyen en équivalent CO2 (1 400 gr éq. C02 contre 1 800), soit la moitié du chemin pour 2030, le Giec recommandant une réduction de 44 %. Plusieurs leviers ont été actionnés comme la substitution partielle de protéines animales par des protéines végétales, la baisse des grammages, du nombre d’ingrédients… Le choix de viande de qualité bio ou label rouge, et de produits locaux, est déjà inscrit dans les cahiers des charges des cantines.