Sortie du glyphosate, s’aider des leçons acquises avec l’atrazine
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Pourrait-on tirer des enseignements du retrait de l’atrazine susceptibles d’aider à mieux sortir du glyphosate ? Des chercheurs de l’Inrae se sont penchés sur la question. Car les deux molécules herbicides présentent des traits communs : de par leur efficacité et leur faible coût, elles ont été utilisées à grande échelle.
Comme le glyphosate, l’atrazine se révélait extrêmement efficace et peu coûteuse. En France, la molécule a été utilisée pendant plus de 40 ans et était en 2001 la principale matière active de désherbage du maïs, avant d’être interdite en 2003. Le glyphosate, lui, représente l’herbicide le plus utilisé au monde en 2017, et la molécule la plus vendue en France de 2009 à 2017. Des chercheurs de l’Inrae ont alors souhaité savoir si des enseignements pouvaient être tirés du retrait de l’atrazine dans le cadre de l’interdiction prévue du glyphosate.
Principale conclusion des auteurs de l’étude (Inès Mahé et al) : « le retrait de ces deux substances actives est l’occasion de prendre conscience des conséquences que peut avoir l’utilisation prédominante d’une unique substance active sur l’environnement, mais aussi sur la capacité d’adaptation des systèmes agricoles ».
Renouer avec l’agronomie et la connaissance des adventices
Les auteurs mettent en évidence que dans les deux cas, une utilisation trop importante a conduit à la contamination des eaux et à l’émergence de résistances. Ils relèvent également que l’efficacité et le faible coût des molécules « ont bloqué ou bloquent toute réflexion agronomique et ont masqué ou masquent l’intérêt pour la biologie et la dynamique des espèces adventices ».
Le retrait de l’atrazine a conduit les agriculteurs à mettre en place différentes stratégies, chimiques et mécaniques. Ces stratégies de gestion « sont devenues plus techniques qu’auparavant et ne sont plus systématiques : elles doivent être adaptées à la parcelle, car le large spectre d’action et l’efficacité de l’atrazine ne sont pas égalés », soulignent les chercheurs. La reconnaissance de la flore présente dans la parcelle et la prise en compte des conditions climatiques pour positionner les traitements et adapter les doses sont également devenues incontournables. « L’objectif du « zéro adventice » a été écarté et des réflexions ont été portées sur la diminution des impacts du désherbage sur l’environnement », précisent également les auteurs. Une augmentation des coûts de désherbage est avérée, mais aucune influence importante sur la production de maïs est à noter.
Des systèmes à reconcevoir
Pour le glyphosate, le contexte est différent : les alternatives seront quasi exclusivement non-chimiques, d’autant que d’autres molécules risquent d’être aussi interdites dans un avenir proche. La sortie de la molécule s’intègre par ailleurs dans un contexte de réduction globale des produits phytosanitaires.
Pour les auteurs, l’enjeu est donc maintenant de repenser les systèmes de culture, d’accepter des changements profonds, en s’appuyant sur une bonne connaissance des adventices et des leviers agronomiques à combiner pour les maîtriser.
« Il s’agit aussi de concilier des objectifs économiques (coût du poste désherbage, des investissements matériels), sociaux (temps de travail, pénibilité des tâches, main-d’œuvre peu payée) et environnementaux (biodiversité, émission de gaz à effet de serre), ce qui rend le défi complexe », concluent les chercheurs.