Une piste pour sélectionner des plantes durablement résistantes à certains virus
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C’est une avancée dans la lutte contre les Potyvirus. Ce groupe de virus, qui comprend notamment la sharka sur les Prunus ou le virus Y de la pomme de terre, cause des pertes de récolte importantes. Les chercheurs de l'Inra et du département Sciences de la vie du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) ont étudié l’un des mécanismes de fonctionnement des Potyvirus : le pathogène utilise une protéine de la plante, « eIF4E1 », synthétisée par un gène du même nom, pour se multiplier.
Or, chez certaines espèces, dont le piment, la tomate ou le pois cultivé, des mutations génétiques naturelles conduisent au changement de plusieurs acides aminés du gène eIF4E1, conférant à ces espèces une résistance aux Potyvirus, sans compromettre les autres fonctions de cette protéine. Les chercheurs de l’Inra et du CEA ont montré que ces modifications ciblées de la protéine eIF4E1 pouvaient être reproduites et transférées chez une plante dépourvue de résistance naturelle, sans impacter son développement, et donc son rendement productif.
Des mécanismes exploitables, même sans OGM
« Nos travaux de laboratoire sur une brassicacée, l’Arabette des dames, ont porté sur la transgénèse », explique Jean-Luc Gallois. Cependant, le chercheur à l’Unité Génétique et amélioration des fruits et légumes de l’Inra précise que les enseignements de ce travail dépassent le seul cadre des organismes génétiquement modifiés (OGM). « La variabilité naturelle de chaque plante laisse envisager la possibilité de trouver des variétés présentant naturellement la mutation du gène eIF4E1. »
Une étude des variétés de pommes de terre, arbres fruitiers ou manioc, plantes victimes des Potyvirus, centrée sur ce gène, permettrait d’identifier les variétés présentant la résistance. « Une fois repéré, on peut espérer que ce caractère intéressant pourra être intégré dans les schémas classiques d’amélioration des plantes », détaille Jean-Luc Gallois.
Des conclusions à mettre au service des sélectionneurs
La vigne, victime de virus proches causant la maladie du court-noué (Népovirus), ou la betterave pour ce qui concerne la maladie de la mosaïque (Luteovirus), pourraient profiter de la même logique. « L’édition de génome, via des technologies comme Crispr Cas9, est une autre piste potentielle qui permettrait d’exploiter ces résistances », complète Jean-Luc Gallois.
Une piste de progrès qui se situe encore en amont d’une démarche de sélection à proprement parler, comme le précise Jean-Luc Gallois. Il est un peu trop tôt pour imaginer le déploiement de variétés résistantes dans les exploitations agricoles, mais l’objectif est bien d’utiliser ces conclusions dans la recherche de variétés. « Ce travail confirme l’importance de l’étude de la biodiversité comme réservoir de résistances génétiques transférables entre espèces », conclut Jean-Luc Gallois.