55 000 hectares sont artificialisés chaque année, selon un rapport de Terre de liens
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5 Mha de terres pourraient changer de main au cours des dix prochaines années. C’est ce qu’avance Terre de Liens, dans un premier rapport sur l’état des terres agricoles en France, publié le 22 février à l’occasion du Salon de l’agriculture et à l’approche des élections présidentielles. Le mouvement veut « tirer la sonnette d’alarme » pour éviter que ces terres ne soient artificialisées ou inclues dans des projets d’agrandissement d’exploitations.
« Le constat n’est pas très satisfaisant, les terres sont encore mal préservées et mal partagées », pose Tanguy Martin, chargé de plaidoyer chez Terre de liens, à l’occasion d’un point en amont de la publication, le 22 février, du premier rapport de l’organisation sur l’état des terres agricoles en France . Alors que, selon les chiffres avancés par le document, 55 000 hectares sont artificialisés chaque année, Terre de liens souhaite profiter de l’ouverture du Salon de l’agriculture, le 26 février, et des prochaines élections présidentielles, pour remettre cet enjeu sur le devant de la scène. « Sur cette thématique, la situation s’est plutôt dégradée, nous avons besoin de changer de politique pour réellement investir dans les territoires et favoriser de nouvelles installations », plaide Benjamin Duriez, directeur national du mouvement.
Inquiétude sur les installations
L’organisation rappelle ainsi que, selon les chiffres du recensement agricoles, présentés en décembre, le nombre d’agriculteurs a baissé de 20 % en dix ans. « Quand cela va-t-il s’arrêter ?, questionne Benjamin Duriez. Il est certain qu’au terme de la prochaine décennie, 25 % des 390 000 exploitants vont partir. Résultat : au moins cinq millions d’hectares de la SAU vont changer de main. Vont-ils aller à l’artificialisation, à l’agrandissement, vers un modèle vertueux ? Voilà le grand défi sur lequel nous voulons alerter avec ce rapport, il est urgent d’agir. »
Le mouvement s’inquiète par ailleurs d’une dynamique parallèle de concentration des surfaces. Selon le rapport, deux tiers des surfaces libérées partent ainsi à l’agrandissement. « Les grandes exploitations d’une surface moyenne de 136 ha, quasi inexistantes il y a 60 ans, représentent désormais une ferme sur cinq et couvrent 40 % du territoire métropolitain, précise Maurice Desriers, économiste et membre du conseil d’administration de Terre de Liens. Plus les fermes sont grandes, moins il y a d’emplois. 80 000 équivalent temps plein ont disparu en dix ans. » En cause, en partie, des obstacles croissants à l’installation. « 60 % des 20 000 personnes s’étant rendu en point accueil installation l’année dernière n’étaient pas issus du milieu agricole, et n’avaient donc pas de réseau ou d’accès à la terre », indique Coline Sovran, responsable de plaidoyer chez Terre de Liens, qui insiste sur le doublement du prix des terres en vingt ans.
Appel à la création d’une loi foncière
Pour enrayer la dynamique de l’artificialisation, le mouvement renouvelle son vœu de voir une loi foncière être mis en place. « Cela a été promis de nombreuses fois mais elle n’a jamais vu le jour, regrette Tanguy Martin. La loi Climat a fixé des outils ambitieux mais nous sommes un peu dubitatifs sur les objectifs identifiés pour les atteindre. » L’organisation espère ainsi que le prochain quinquennat reprendra ce sujet en main. Il liste quatre principes sur lesquelles construire une loi foncière : préserver les terres agricoles et leur usages agricoles ; faciliter l’accès aux terres pour les personnes porteuses de projets agricoles ; favoriser les pratiques agricoles vertueuses ; développer une gouvernance démocratique et transparente des terres agricoles. Terre de Liens en appelle également à une politique agricole plus cohérente. « La France importe l’équivalent de la production de 9 Mha, quand la production de 12 Mha en France est destinée à l’exportation », note Maurice Desriers.
Selon Terre de Liens, entre 2006 et 2014, les deux tiers de l’artificialisation se sont effectuées aux dépens de terres agricoles