Référence agro

Bio : « En 2025, les opérateurs des pays tiers devront être certifiés conformes » (M. Reynaud/Ecocert)

Le | Reglementation

Michel Reynaud, vice-président d’Ecocert, réagit au renouvellement de la certification de l’organisme, le 15 novembre 2024, pour le Japon, les Îles Salomon, les Îles Tonga et le Vanuatu, après avoir été reconnu dans plus de 150 pays.

Michel Reynaud, vice-président d’Ecocert - © D.R.
Michel Reynaud, vice-président d’Ecocert - © D.R.

Que signifie pour Ecocert le renouvellement de votre certification annoncée le 15 novembre 2024 ?

C’est un renouvellement, et c’est toujours important pour Ecocert, organisme de certification, d’être à jour de ses autorisations de certification ! Celui-ci, pour le Japon et les Îles, est important, car ce sont les organismes de certification qui sont considérés comme équivalents dans les pays avec lesquels l’Union européenne n’a pas d’accord de reconnaissance mutuelle. Cela signifie donc qu’il y a une équivalence reconnue à trois niveaux : sur les règles de production, les règles de contrôle et les règles de supervision.

Ecocert est organisme certificateur dans 150 pays, et nous avons développé cette stratégie dès notre création, en 1991, sur des productions spécifiques ; avec le Maroc, pour les oranges ; avec la Tunisie pour les dattes ; avec Madagascar, pour les épices et la vanille, puis avec le Burkina Faso et le Mali pour le sésame. Bref, depuis le début, l’agriculture bio est ouverte aux flux commerciaux, et Ecocert accompagne ses échanges.

Quels sont les principaux échanges de produits bio ?

A l’importation, ce sont essentiellement les produits « traditionnels », tels que le cacao et le café, ou les fruits tropicaux, qui complètent la gamme ; il y a également une part non négligeable d’alimentation animale. A l’exportation, ce sont essentiellement des produits très typés - vins et fromages en France, huiles d’olive en Italie, par exemple - qui tirent leur épingle du jeu. Et nous avons pu observer, pendant la forte hausse de la consommation de produits bio, entre 2018 et 2021, que les importations sont restées stables : cette hausse a plutôt entraîné une hausse des conversions.

Quel rôle a joué, et joue encore, l’Union européenne dans le développement et l’accompagnement de l’agriculture bio ?

Elle a joué un rôle fondateur avec la réglementation européenne de 1991, qui a permis d’unifier le secteur : avant 1990, en France, il y avait une dizaine de référentiels. Cette réglementation a permis de donner confiance aux consommateurs, d’harmoniser les pratiques et les attendus dans les pays d’Europe, et également vers les pays tiers ; l’observatoire des échanges de l’agriculture bio de la DG Agri en rend compte tous les trimestres. Ensuite, cette réglementation protège les opérateurs, et elle est également intrinsèquement bénéfique pour les sols et l’environnement : l’agriculture biologique, c’est de l’agriculture régénératrice réglementée !

En effet, elle recoupe une large diversité de pratiques, selon les filières et les régions, mais elle impose une obligation de moyens, et des pratiques reconnues comme vertueuses par de nombreux instituts de recherche, ainsi que par la Commission dans sa stratégie Farm to Fork. Aujourd’hui, l’Union maintient le cap, et les négociations sur les derniers cahiers des charges continuent à privilégier la qualité et les spécificités du bio.

Aujourd’hui, que pensez-vous des objectifs de l’Union européenne en matière d’agriculture ?

Les objectifs sont annoncés, et nos organisations professionnelles (notamment IFOAM Organics, dont je suis vice-président) ont participé au Dialogue stratégique pour l’agriculture, qui annonce les voies à suivre. Elles devront être suivies d’effets, et notamment dans la réforme de la PAC, qui reste à mon sens l’un des meilleurs mécanismes pour orienter les fonds vers les agriculteurs. Une aide à la filière et un soutien de la demande ont été demandés lors de la forte baisse du marché du bio ; en effet, le marché ne pouvait pas tout !

A cet égard, nous avons pu constater, lors de cette crise des deux dernières années, des différences structurelles entre la France et l’Allemagne. En France, la grande distribution a très vite anticipé la hausse de l’inflation alimentaire, et a coupé son offre, aggravant la crise de la filière. En Allemagne, la grande distribution est plus impliquée dans le monde de l’agriculture bio : chaque chaîne a des contrats de filière, et cette intégration permet de mieux absorber les à-coups conjoncturels, ou, au moins de ne pas les aggraver.

En agriculture, il faut considérer les systèmes dans leur globalité : le produit bio est plus cher, mais il intègre des externalités positives, pour l’environnement ou la biodiversité. Si la réforme de la PAC va dans le sens que l’on pressent, avec la fin des aides à l’hectare qui semble entérinée, il faut l’orienter vers les services écosystémiques rendus.

Les agriculteurs, dans leur globalité, ne sont pas contre les normes environnementales, mais ils ont besoin de moyens : c’est ce qu’ils expriment, d’ailleurs. Et les avancées actuelles, vers le biocontrôle, le stockage du carbone vont également dans le sens d’une agriculture tournée vers l’environnement.

Et que pensez-vous des objectifs spécifiques assignés à l’agriculture bio ?

Au niveau européen, l’objectif est de 25 % de la SAU cultivée en bio (et 21 % en France) en 2030. En 2022, la part de terres cultivées en bio était de 9,9 % (contre 6 % en 2014), et ce chiffre est plutôt orienté à la baisse ; en effet, le nombre de conversions reste à peu près stable, mais on observe un changement de modèle, avec des exploitations en grandes cultures qui partent en déconversion, et remplacées par des exploitations de maraîchage, plutôt orientées vers la vente directe et les circuits courts. Les objectifs de surface seront donc difficiles à atteindre ; cependant, avec 60 % des sols dégradés sur l’ensemble de l’UE, des enjeux environnementaux, sanitaires et sociétaux de plus en plus prégnants, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une agriculture durable, respectueuse de l’environnement et des humains.