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Abeilles et phytos, bientôt un accord européen sur l’évaluation des risques ?

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L’évaluation des risques des produits phytosanitaires pour les abeilles fait débat au niveau européen depuis 2013. Sur demande de la Commission, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a révisé ses travaux dédiés et propose une nouvelle approche. Le sujet sera à l’ordre du jour du prochain Conseil de l’agriculture, les 28 et 29 juin 2021.

Abeilles et phytos, bientôt un accord européen sur l’évaluation des risques ?
Abeilles et phytos, bientôt un accord européen sur l’évaluation des risques ?

Alors que la France planche sur son plan pollinisateurs, dont la consultation publique est toujours attendue, l’Union européenne travaille à la révision de l’évaluation des risques potentiels associés à l’utilisation des produits phytosanitaires pour les abeilles. Faute de consensus entre les États membres sur le document d’orientation relatif à cette évaluation, proposé en 2013 par l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, la Commission a souhaité repartir à zéro, avec la volonté de prendre également en compte l’avis d’experts d’organisations indépendantes. La révision du document d’orientation est en cours, pour une opérationnalité prévue en 2022.

Des tests aujourd’hui réalisables

“Les tests exigés par l’Efsa en 2013 pour l’homologation des substances actives étaient difficilement réalisables, explique Ronan Vigouroux, responsable environnement à l’UIPP, l’Union des industries de la protection des plantes. Aujourd’hui, avec les progrès de la science, beaucoup d’entre eux sont devenus plus faciles à réaliser en laboratoire et peuvent être interprétés de façon robuste.” Ainsi, peuvent désormais être prises en compte les toxicités aigüe orale et aigüe par contact, et la toxicité chronique orale pour les abeilles adultes, ainsi que la toxicité chronique pour les larves. S’y ajoutent, si demandées par les agences d’évaluation, les toxicités aigüe orale et aigüe par contact pour les bourdons.

“Les tests en conditions naturelles ou semi-naturelles, comme celui de retour à la ruche, en revanche, sont plus difficiles à interpréter”, souligne Ronan Vigouroux. Raison pour laquelle l’Efsa a élaboré une nouvelle approche et développé une évaluation holistique des risques liés aux multiples facteurs de stress chez les abeilles domestiques.

Une nouvelle approche holistique

“L’avancée est notable, reprend Ronan Vigouroux. Mi-mai, l’Efsa a proposé un système de surveillance des abeilles mellifères, ainsi qu’un modèle basé sur un simulateur de colonie d’abeilles, appelé ApisRAM, qui permet d’évaluer les effets des différents facteurs de stress sur l’abeille.” Les facteurs de stress pris en compte comprennent les pesticides et d’autres produits chimiques présents dans l’environnement, les parasites et les maladies, mais également des paramètres tels que la disponibilité des aliments, le climat ou encore les pratiques de gestion apicole. ApisRAM est encore en phase de développement mais sera, selon l’Efsa, prêt à être utilisé dans l’évaluation des risques liés aux produits phytosanitaires dans les deux ou trois années à venir.

Le modèle sera alimenté par les nouvelles connaissances scientifiques issues de la recherche, mais également par les données en temps réel collectées à partir de ruches d’abeilles sentinelles équipées de capteurs. Ces ruches seront placées dans des zones climatiques et des paysages représentatifs de l’UE et connectées à une plateforme pour le stockage et l’analyse des données. Les données sur l’état de santé des abeilles, les résidus chimiques et le paysage proche ou plus éloigné des ruches seront ainsi collectées de manière harmonisée et standardisée.

“Les parties prenantes joueront un rôle central dans la collecte et le partage de données”, souligne l’Efsa. Ces parties prenantes rassemblent des représentants d’associations apicoles, d’associations vétérinaires et agricoles de l’UE, du monde universitaire, des ONG et du secteur de l’industrie.

Les États membres doivent trouver un accord

Avec la prise en compte de multiples facteurs de stress pour les abeilles, l’interprétation des tests en conditions naturelles ou semi-naturelles pose question pour l’évaluation des produits phytosanitaires : quel pourcentage de perte d’abeilles est acceptable, compte tenu des nombreux facteurs qui interviennent dans ces conditions ?

Ce point devrait être à l’ordre du jour du prochain Conseil de l’agriculture de l’UE, prévu les 28 et 29 juin 2021. Les États membres doivent trouver un accord.