Décryptage - Règlement bio européen : le point sur le processus de révision et les débats
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La révision de la réglementation bio au niveau européen est entamée. Le processus est complexe et pourrait être encore long. La Commission européenne avait ouvert le bal en mars 2014 en proposant son projet, dont se sont emparés le Conseil des ministres de l’Agriculture, mais aussi le Parlement européen. Si le premier a fait connaitre ses positions en juin, le second devrait finaliser ses amendements pour l’automne. Commission, Conseil et Parlement se retrouveront alors pour un trilogue décisif. Décryptage exclusif avec Juliette Leroux, en charge des affaires européennes à la Fnab, la Fédération nationale de l’agriculture biologique. Référence environnement : Pourquoi cette révision de la réglementation européenne sur le bio ? Juliette Leroux : Le premier règlement bio européen date de 1991. Pour s’adapter à l’évolution des filières, une première révision, très axée sur le marché, a eu lieu en 2009. Depuis cette date, le règlement européen remplace tous les textes nationaux, sauf sur certains détails ou productions mineures. Suite à cette évolution, il a été décidé en 2011 d’entamer une autre révision davantage portée sur les aspects productions. C’est cette révision qui est actuellement en débat. La Commission européenne a présenté en mars 2014 son projet, porté par le commissaire Dacian Ciolos. Ce texte entend faire évoluer la bio dans le respect des fondamentaux des pratiques paysannes, et la Fnab s’y retrouve globalement. Mais ce n’est qu’un point de départ dans le processus de révision. R.E. : Où en sommes-nous dans ce processus ? JL : Le Conseil des ministres et le Parlement européens se sont emparés de ce texte, chacun de son côté. Le Conseil a trouvé un consensus interne mi-juin, qui retouche largement le texte de Dacian Ciolos pour le ramener très proche de la réglementation actuelle. Au sein du Parlement, les discussions n’ont pas encore abouti. Martin Häusling, le rapporteur du Parlement concernant la révision, est lui même un producteur bio. En mai, il a présenté 350 amendements. Sa proposition nous semble cohérente et applicable, mais les autres élus du Parlement ont ajouté 850 amendements supplémentaires, sans vraie ligne directrice. Après des négociations qui s’annoncent complexes, le Parlement votera sa version finale du projet en septembre, ou plus raisonnablement en octobre. Commencera alors un trilogue entre Parlement, Conseil et Commission. Ce processus étant assez nouveau, il est difficile de se projeter sur son déroulement. Ça pourrait être encore long… RE : Quels sont les points principaux du texte qui génèrent le débat ? JL : Il est difficile de faire une liste exhaustive, mais on peut citer des exemples, comme les mécanismes de contrôle. La Commission souhaite supprimer les contrôles « bios », pour raccrocher les produits biologiques des procédures générales de contrôle des produits alimentaires mais également supprimer la fréquence minimale de contrôle. Le Conseil n’est pas sur cette ligne, et se positionne pour maintenir la fréquence minimum actuelle d’un contrôle spécifique bio par an. En laissant toutefois aux Etats-membres la liberté d’en exempter les opérateurs « à faible risque ». Un compromis qui ne satisfait pas la Fnab : cette notion n’étant pas clairement définie, une disparité d’interprétation d’un Etat membre à l’autre est possible. Aujourd’hui, la profession demande le maintien de ces contrôles annuels, et pourtant, sauf exception, c’est elle qui les paye. Ils garantissent l’homogénéité des pratiques. Autre sujet : l’importation de produits bios depuis les pays tiers. Auparavant, ces produits devaient respecter des cahiers des charges considérés comme équivalents à celui des produits bios de l’UE. Le consensus trouvé par les ministres va dans le sens d’un durcissement : selon eux, l’équivalence ne serait plus de mise et les produits des pays tiers doivent suivre strictement les normes de l’UE pour être considérées comme bios. R.E. : Y a-t-il des points de tension qui concernent le fonctionnement des exploitations bio ? J.L. : La certification collective, qui n’est pas possible aujourd’hui, a été retenue par le Conseil européen. C’est une bonne chose, notamment pour la simplification des démarches administratives, mais nous sommes attentifs à la mise en œuvre. Dans la même idée, alors que la Commission européenne envisage de ne plus considérer comme bio les exploitations dont l’ensemble des productions n’était pas certifié bio, les ministres n’ont pas souhaité valider cette option et conservent le principe de mixité. Dans un autre registre, la Commission prône un déclassement systématique des produits au-dessus d’un certain seuil de présence de résidus de pesticides. C’est un sujet sensible, sur lequel les ministres suggèrent une approche plus souple : si l’opérateur bio n’est pas en cause, autrement dit si ses productions ont été contaminées par le voisinage, il ne doit pas être sanctionné. La Fnab est sur cette ligne. Enfin, la Commission souhaite mettre fin aux dérogations pour l’utilisation de semences conventionnelles en bio. A la Fnab, nous souhaitons évidemment aller dans le sens du « tout semence bio », mais il est trop tôt pour approvisionner l’ensemble de l’agriculture bio, faute de fournisseurs suffisamment nombreux.