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Et si la réglementation 2001-18 sur les OGM était à revoir totalement ?

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L’avis de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 juillet ne cesse de faire réagir. Selon celui-ci, « les organismes obtenus par mutagenèse sont des OGM, dans la mesure où les techniques et méthodes de mutagenèse modifient le matériel génétique d’un organisme d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement. » L’organe juridique a rendu cet avis suite à un recours de la Confédération paysanne, concernant les plantes issues de mutagenèse résistantes aux herbicides.

Si cet avis juridique est traduit dans la juridiction des États-membres, ces organismes tomberaient sous le coup de la directive 2001-18, encadrant les OGM dans l’UE. Résultat : des variétés actuellement cultivées, en conventionnel, mais aussi en agriculture biologique, pourraient désormais être considérées comme des OGM, si celles-ci ont été créées après 2001.

Un débat, organisé le 20 novembre par le groupe « Oui à l’innovation », a été l’occasion de souligner les principaux arguments d’opposition à cet avis. Ceux-ci s’appuient notamment sur l’avis du 13 novembre du Scientific Advice Mechanism (SAM), un groupe de scientifiques créé par la Commission européenne, qui juge « le cadre réglementaire actuel inapplicable ».

« C’est le produit et non la technique qui doit être évalué »

Premier argument avancé, « il n’existe aujourd’hui aucun argument scientifique pour différencier les résultats issus de mutagenèse aléatoire et de mutagenèse dirigée », affirme Benoît Lacombe, directeur de recherche au CNRS, qui regrette que la décision de la CJUE soit, selon lui, davantage basée sur des arguments idéologiques que scientifiques. Surtout, estime Catherine Ragnault-Roger, membre titulaire de l’Académie d’agriculture, que « c’est le produit qui doit être évalué et non la technique d’obtention. Cette manière de procéder n’est pas du tout nouvelle, sauf en Europe. » « Quand on parle de mutagénèse au grand public, on a l’impression de parler d’un grand mal. Il faut expliquer le fait que ces techniques peuvent permettre de réduire l’utilisation d’intrants », renchérit Benoît Lacombe.

Inquiétude pour l’innovation

« L’Union européenne ne doit pas se priver des avantages de ces techniques plus précises, plus rapides, moins coûteuses et produisant moins de déchets », plaide Catherine Regnault-Roger. Mais cette décision de la CJUE pourrait bien changer la donne. En effet, en vertu de la directive 2001-18, les entreprises utilisant des techniques produisant des OGM doivent s’acquitter de coûts d’homologation et de surveillance pouvant avoisiner les 100 millions d’euros, selon la membre de l’Académie d’agriculture. Les intervenants soulignent ainsi le risque de délocalisation des centres de recherche français. Le Conseil d’État doit rendre sa décision, dans les mois à venir, sur la manière dont cet avis sera intégré au droit français.