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Évaluation des pesticides, le point avec Roger Genet, directeur de l’Anses

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Les exigences relatives à l’évaluation des risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires ne cessent de se renforcer. Paradoxalement, les citoyens et consommateurs se montrent toujours plus méfiants. Entretien avec Roger Genet, directeur général de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

Évaluation des pesticides, le point avec Roger Genet, directeur de l’Anses
Évaluation des pesticides, le point avec Roger Genet, directeur de l’Anses

Référence agro : Pouvez-vous nous expliquer avec quelles données l’Anses réalise-t-elle et révise-t-elle les évaluations des risques relatives aux produits phytosanitaires ? L’Agence prend-elle en compte tous les nouveaux éléments de la littérature scientifique ?

Roger Genet : L’Anses a trois métiers. Elle a un métier de recherche : nous produisons des données dans nos laboratoires en santé animale, en sécurité des aliments, en santé des végétaux. Nous en produisons également en finançant des études au travers du programme national de recherche environnement-santé-travail, avec un appel d’offres annuel. Nous avons par exemple, cette année, financé des études sur les SDHI. Le deuxième métier est un métier d’expertise d’évaluation des risques et le troisième, d’évaluation des produits qui sont mis sur le marché. Ces deux métiers mobilisent des panels scientifiques d’experts. Dans le cas des produits réglementés, ces experts prennent en compte les données privées produites par les industriels, la littérature scientifique pertinente si elle existe, mais aussi d’autres données publiques. Ces dernières viennent en quelque sorte challenger les données privées et nous les sollicitons par différentes voies : par les études que nous finançons, mais également par la phytopharmacovigilance. Grâce à un réseau territorial, des données sur l’impact des produits phytosanitaires déjà commercialisés nous remontent. C’est bien avec l’ensemble de ces données publiques, privées, celles que nous générons, que nous évaluons les produits. Et ce, au moment où nous rendons les expertises, mais également à tout moment s’il s’avère que des données nouvelles montrent un risque imminent pour la santé et l’environnement. Dans ce cas, nous intervenons sur les produits qui sont commercialisés.

R.A. : Comment l’Agence recrute-t-elle ses experts ?

R.G. : Pour que la décision publique s’appuie sur la science, il faut que l’expertise produite soit incontestée et incontestable. Pour ce faire, nous nous appuyons sur des collectifs d’experts qui rassemblent toutes les disciplines sur un sujet donné, et sur la littérature scientifique mondiale disponible au moment où nous rendons l’expertise. Les experts jouent un rôle crucial. À l’Anses, ils sont sélectionnés après appel à candidature, au niveau national et international : 15 % de nos experts sont francophones mais viennent d’autres pays comme le Canada, la Belgique, la Suisse… Ces experts sont sélectionnés sur deux critères : sur leurs qualités scientifiques et leurs capacités à intervenir sur des sujets très larges, avec une culture scientifique étendue, et puis, au même niveau, sur l’absence de conflit d’intérêt. Une grille d’analyse nous permet de discriminer les liens d’intérêt mineurs et les liens d’intérêt majeurs qui peuvent générer un conflit d’intérêt. Car un lien d’intérêt n’est pas forcément un conflit d’intérêt. Les experts concernés doivent s’écarter lorsqu’une question sur un sujet très précis qui les mettrait dans une situation de conflit d’intérêt est abordée. Dans ce cas, ils peuvent être auditionnés mais ne participent pas aux délibérations du collectif d’experts.

R.A. : Comment l’Agence évalue-t-elle la balance bénéfices/risques ?

R.G. : Dans le cadre de la mise sur le marché des produits phytosanitaires, l’Anses évalue les spécialités avec deux critères : l’efficacité du traitement et l’absence de risque pour l’Homme, les riverains, les utilisateurs, l’environnement, les organismes cibles. Nous sommes de plus en plus questionnés sur les alternatives à l’usage de ces produits phytosanitaires. Sur les néonicotinoïdes, qui ont été interdits en France, notre saisine portait spécifiquement sur l’évaluation de l’impact économique et environnemental de ces alternatives. De façon générale, c’est un sujet très difficile à apprécier : nous n’avons pas de méthodologie scientifique robuste au niveau international qui puisse constituer une base de référence. Et les experts scientifiques à l’Anses n’ont pas, généralement, ces compétences en sciences économiques, en sciences sociales. Raison pour laquelle l’Anses, confrontée à cette problématique croissante, envisage de mettre en place un Comité d’experts spécialisés sur l’analyse socio-économique.