Le Conseil d’État rejette la réduction des épandages agricoles hors dépassement du seuil d’alerte
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Le 28 mars, un pic modéré de pollution aux particules fines a été observé dans plusieurs régions de France, notamment en Ile-de-France, dans le Nord et dans l’Est. L’association Respire relie en partie la persistance de la pandémie Covid-19 à ces niveaux de pollution. Elle a déposé les 7 et 15 avril, une requête auprès du Conseil d’Etat pour obtenir, par arrêté préfectoral, la réduction des épandages agricoles, émetteurs de particules fines. L’Avis, rendu le 20 avril, rejette cette demande. Explications.
L’enjeu qualité de l’air a poussé l’association Respire à déposer, les 7 et 15 avril, une requête auprès du Conseil d’Etat pour obtenir la réduction des épandages agricoles. L’association argumente sur un possible lien entre la difficulté à réduire la pandémie du Covid-19 et les pics de pollution aux particules (PM2,5) et PM (10), nocives pour la santé humaine. Elle souligne la carence de l’Etat dans ce dossier et demande la réduction des épandages agricoles d’engrais et de produits phytosanitaires prévus en cas d’épisode de pollution et ce jusqu’à la fin de la crise sanitaire. L’association estime que les épandages agricoles contribuent au dépassement des seuils réglementaires de pollution de l’air dans une période ou l’activité industrielle et le transport sont réduits. Néanmoins, les émissions issues de l’agriculture ont besoin de vent pour se déplacer vers les villes et provoquer la formation de particules secondaires alors que la période était surtout caractérisée par un temps anticyclonique avec très peu de vent.
Absence de dépassement des seuils d’alerte aux particules sur un mois
Le Conseil d’État a rejeté ce 20 avril, cette requête. Pour statuer, il s’est appuyé, notamment, sur l’absence de dépassements des seuils d’alerte recensés en France au cours de la période du 15 mars au 14 avril 2020. Les juges ont précisé que 18 dépassements du seuil d’information ont bien été enregistrés dans neuf régions (4 dépassements dans les Hauts-de-France et en Normandie, 2 dépassements en Bretagne, en Corse et en Guyane, 1 dépassement en Bourgogne-Franche Comté, en Nouvelle Aquitaine et en Ile-de-France) mais sans constituer un dépassement du seuil d’alerte.
L’article R. 221-1 du code de l’environnement fixe à 50 µg/ m³ en moyenne journalière le seuil d’information et de recommandation et à 80 µg/ m³ en moyenne journalière le seuil d’alerte pour les particules PM10. Les mesures de restriction sont activées avec un dépassement du seuil d’alerte sur deux jours consécutifs en cas d’absence de modélisation des pollutions ou lorsqu’il a eu lieu la veille et qu’un nouveau dépassement est prévu le lendemain par les modèles.
Bases scientifiques écartées par les juges
Par ailleurs, l’association a produit des études scientifiques pour étayer l’existence d’un lien entre la pollution de l’air et le développement des maladies respiratoires en général et du covid-19 en particulier. Parmi celles-ci, une étude américaine datée du 5 avril 2020 analyse les conséquences d’une exposition prolongée aux particules PM2,5 sur la gravité de l’épidémie de Covid-19. Les juges ont relevé dans cette étude, une exposition de long terme, retenant des durées d’exposition de plusieurs années minimum et pouvant s’étendre jusqu’à dix à quinze ans.
Une autre étude, italienne, réalisée en avril 2020 sous l’égide des universités de Bologne et de Bari ainsi que de la SIMA (Società Italiana di Medecina Ambientale) a examiné le lien entre les dépassements répétés des seuils de pollution survenus en Lombardie entre le 10 et le 29 février 2020 et la gravité de l’épidémie de Covid-19 dans cette région à compter du 3 mars 2020. L’étude n’a pas encore fait l’objet d’une publication par une revue scientifique dotée d’un comité de lecture. Les juges rappellent que si de telles répétitions survenaient en France, l’application du dispositif prévu par l’arrêté du 7 avril 2016 permettrait de prendre les mesures de restrictions afin de limiter la survenue et la durée de ces dépassements.