Pesticides candidats à la substitution, un dispositif à réviser selon la cnDAspe
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La réglementation européenne oblige les États membres à étudier, pour chaque produit phytosanitaire contenant des substances actives classées comme « candidates à la substitution », si des alternatives existent, afin de réduire, voire interdire leur utilisation. Dans son avis publié le 25 octobre 2023, la Commission nationale déontologie et alertes en santé publique et environnement recommande de réviser le dispositif, trop peu respecté.
La Commission nationale déontologie et alertes en santé publique et environnement (cnDAspe) a publié, le 25 octobre 2023, son avis relatif à la politique de l’Union européenne concernant les pesticides contenant des substances actives classées comme « candidates à la substitution ». Selon elle, l’article 50 du règlement (CE) n° 1107/2009, qui oblige les États membres à réaliser une évaluation comparative lors de toute demande d’autorisation relative à un produit phytosanitaire contenant une substance active approuvée en tant que substance dont on envisage la substitution, est loin d’être respecté. Or cette évaluation comparative a pour but d’interdire ou de limiter l’utilisation de ces produits jugés les plus dangereux. Elle reconnaît que « les règles relatives aux substances actives candidates à la substitution sont à la fois inefficaces et inefficientes ».
Remise en cause du guide méthodologique de l’OEPP
La cnDAspe rappelle qu’actuellement, 53 substances actives sont listées comme candidates à la substitution et que, selon une enquête conduite par la Commission européenne en 2021, sur les 3 100 cas de substitution possible, seuls 32 ont donné lieu à une substitution effective dans trois pays : Allemagne, Croatie et France.
Selon la Commission, les étapes de l’évaluation comparative, basée sur un guide méthodologique issu des travaux de l’Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (OEPP), privilégient les solutions chimiques, en demandant entre autres une même efficacité et l’absence d’inconvénients économiques et pratiques. « Ce document guide, bien que révisé trois fois depuis 2011, l’a été par des groupes de travail répondant à des critères de compétences mais pas aux exigences actuelles en matière de transparence et de gestion des liens d’intérêts, précise-t-elle. Enfin, ce guide a été adopté par le Scopaff, sans droit de regard du Parlement européen. »
La cnDAspe s’étonne par ailleurs que la substitution des pesticides les plus dangereux ne relève pas également de la directive 2009/128 relative à l’utilisation durable des pesticides. Elle met en avant « les avancées significatives dont témoignent les travaux portant sur des stratégies de lutte intégrée contre les parasites ».
Six axes de recommandations
En conclusion de son analyse, la cnDAspe formule ses recommandations, regroupées selon 6 axes majeurs, et identifie la responsabilité de l’action :
1 - Accroître le contrôle de l’application de la procédure de substitution des pesticides les plus dangereux par les autorités compétentes des États membres et renforcer leurs obligations ;
2 - Réviser les critères d’évaluation comparative présentés dans l’annexe IV du règlement (CE) n° 1107/2009 (sous responsabilité de la Commission européenne) ;
3 - Promouvoir la recherche et la production d’informations sur les alternatives aux substances candidates à la substitution à l’échelle européenne (sous responsabilité des États membres, de leurs agences et de la Commission européenne) ;
4 - Réviser le document guide de l’OEPP pour l’examen par les autorités compétentes des États membres de la possible substitution « des pesticides les plus dangereux » (sous responsabilité scientifique de l’Efsa) ;
5 - Revoir les conditions de production de documents techniques pour la mise en œuvre de politiques communautaires relatives à la mise sur le marché de pesticides et aller vers une nouvelle gouvernance (sur initiative de la Commission européenne) ;
6 - Réformer le cadre réglementaire européen concernant les pesticides pour assurer une substitution effective des substances candidates à la substitution, conformément à l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement (sur initiative de la Commission européenne).
« Les autorités françaises et européennes doivent en tirer au plus vite toutes les conséquences », souligne Christophe Clergeau, député européen socialiste en charge des questions agricoles et environnementales, dans un communiqué en date du 25 octobre. L’avis de la cnDAspe fait suite à une saisine effectuée en avril 2023 par un groupe de parlementaires français (Assemblées françaises et Parlement européen). Ce dernier pointait notamment du doigt le rôle de l’OEPP, « une organisation intergouvernementale non-européenne fortement influencée par les lobbies », dans l’élaboration des règles encadrant la substitution.