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Substances préoccupantes, le point avec Catherine Gourlay-Francé, de l’Anses

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Dans les produits phytosanitaires, quelles substances actives sont jugées préoccupantes ? Quelles sont les actions menées pour préserver la santé humaine et l’environnement ? Référence agro fait le point avec Catherine Gourlay-Francé, directrice adjointe à la direction de l’évaluation des produits réglementés à l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire.

Substances préoccupantes, le point avec Catherine Gourlay-Francé, de l’Anses
Substances préoccupantes, le point avec Catherine Gourlay-Francé, de l’Anses

Référence agro : Les substances actives qui composent les produits phytosanitaires sont réévaluées au moment du renouvellement de leur approbation au niveau européen, soit dans un délai de sept à quinze ans après leur première autorisation. Peuvent-elles l’être avant ?

Catherine Gourlay-Francé : Bien sûr. Si une suspicion de danger ou de risque qui n’avait jusqu’à présent pas été identifiée est décelée, le règlement (CE) n° 1107/2009 permet à un État membre de réévaluer la problématique concernée sur la substance au plus tôt, comme nous pouvons le faire également pour les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits. L’un des enjeux de notre avis du 10 avril 2020 relatif aux substances qualifiées de préoccupantes dans le rapport des trois inspections (IGAS, CGAAER, CGEDD) de décembre 2017 était justement de voir s’il ne fallait pas rouvrir des dossiers avant le renouvellement de l’approbation de certaines molécules.

R.A. : Quelles substances avez-vous jugées préoccupantes et quelle suite donnez-vous ?

C.G.-F. : Nous avons étudié les 39 substances identifiées dans le rapport des trois inspections et d’autres que nous avions nous-même identifiées. Neuf molécules nous ont finalement amenés à faire des recommandations. Pour le mancozèbe et le thiophanate-méthyl, qui sont en fin de process de réévaluation, nous appelons la Commission européenne à ne pas renouveler leur approbation. Nous nous engageons par ailleurs à réévaluer les risques des produits contenant cinq substances actives (8-hydroxyquinoline, ipconazole, flurochloridone, spirodiclofène, halosulfuron-méthyl) venant d’être classées cancérigènes ou reprotoxiques de catégorie 1B par l’Echa, l’Agence européenne des produits chimiques. Et ce, en vue d’une éventuelle modification des AMM en vigueur, sans attendre que l’approbation européenne soit réexaminée. Concernant le prosulfocarbe, nous nous penchons sur les risques pour les personnes présentes lors des traitements et les résidents ; nous avons déjà modifié les conditions d’utilisation des produits en contenant en raison de contaminations de cultures non ciblées. Enfin, nous allons évaluer les éventuels effets perturbateurs endocriniens du prochloraze.

R.A. : Les autorités danoises considèrent que le prochloraze présente des propriétés de perturbation endocrinienne. Cela ne suffit-il pas ?

C.G.-F. : Il est nécessaire qu’une évaluation détaillée soit conduite, en particulier sur la base du document guide européen applicable depuis 2018, qui suit les critères adoptés par l’UE. Si cette évaluation montre que la substance remplit les critères de perturbation endocrinienne, nous informerons la Belgique, État membre rapporteur qui traitera le dossier de renouvellement de l’approbation, l’Efsa et la Commission européenne. En fonction des résultats, l’Anses considérera également la nécessité ou non de modifier les AMM. La réévaluation européenne du prochloraze débutera en 2021 puisque les sociétés qui désireraient déposer leur demande de renouvellement ont jusqu’à fin 2021 pour le faire.