Agroécologie

Dialogue stratégique dans l’UE, un rapport pour « réconcilier l’agriculture et l’environnement »

Le | Politique agroécologique

Réconcilier l’agriculture et l’environnement ; rééquilibrer l’asymétrie de la chaîne de valeur alimentaire ; subventionner les pratiques restauratrices de l’environnement : telles sont les principales préconisations du rapport « Perspectives stratégiques pour l’agriculture européenne », remis le 4 septembre 2024 par Peter Strohschneider, président du Dialogue stratégique, à Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

Dialogue stratégique dans l’UE, un rapport pour « réconcilier l’agriculture et l’environnement »
Dialogue stratégique dans l’UE, un rapport pour « réconcilier l’agriculture et l’environnement »

Réconcilier l’agriculture et l’environnement ; rééquilibrer l’asymétrie de la chaîne de valeur alimentaire ; subventionner les pratiques restauratrices de l’environnement ; réformer la PAC en profondeur ; encourager une alimentation équilibrée, moins consommatrice de protéines animales : telles sont les principales préconisations du rapport « Perspectives stratégiques pour l’agriculture européenne », remis le 4 septembre 2024 par Peter Strohschneider, président du Dialogue stratégique, à Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Ce rapport de 120 pages, élaboré par les principales parties prenantes du secteur agricole européen, a pour objectif de contribuer à l’élaboration de la feuille de route de la politique agricole de l’Union européenne pour la prochaine Commission, qui sera présentée dans les 100 jours suivant son investiture.

« Nous poursuivons tous le même but : encourager le développement d’une agriculture qui travaille avec et pour la nature, grâce à des régulations et des incitations financières. Nous connaissons également les enjeux de tous : nous protégerons les exploitations de moins de 10 ha, qui représentent 65 % des exploitations européennes, en leur faisant davantage confiance et en pratiquant moins de micro-management. Par ailleurs, nous visons à rendre l’agriculture plus durable, et encourageons également l’innovation, par exemple à travers les recherches sur les NGT, ou les travaux sur l’agriculture de précision », déclare Ursula von der Leyen.

Un nouveau format, rassemblant toutes les parties prenantes

Initié en janvier 2024, ce Dialogue a réuni toutes les parties prenantes de l’agriculture européenne (agriculteurs, consommateurs, scientifiques, financiers, industriels agro-alimentaires). 29 participants se sont rassemblés lors de sept réunions plénières entre les mois de janvier et septembre 2024. Ces participants ont envisagé ensemble le futur de l’agriculture européenne, à travers les multiples crises qu’elle traverse : impacts du changement climatique, inflation, concurrence de pays à bas coûts.

« Avec plus de 100 réunions, et 38 heures de négociations, avant d’aboutir à des conclusions adoptées à l’unanimité, ce Dialogue, mené sans publicité, a permis de faire avancer les parties prenantes aux intérêts politiques et économiques contradictoires, du Copa-Cogeca à Slow Food. En cela, c’est déjà un grand succès, et nous proposons d’ores et déjà de prolonger ce format. Cette approche à plusieurs permet de créer une vision holistique de la chaîne alimentaire et de l’environnement, qui préside à notre rapport », déclare Peter Strohschneider, président du Dialogue.

14 recommandations génériques

Le rapport établit 14 recommandations d’ordre pratique, toutes rédigées au conditionnel. Elles visent à :

    • renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur alimentaire ;

    • déployer une nouvelle approche pour atteindre les objectifs fixés en matière de durabilité : l’approche devient plus incitative, avec une meilleure rétribution des services écosystémiques, et la dimension contraignante, telle qu’envisagée puis abandonnée dans les BCAE 6, 7, 8, n’apparaît plus ;

    • élaborer une PAC adaptée à sa finalité : les aides PAC seraient dirigées vers les agriculteurs aux plus faibles revenus (exploitations mixtes, jeunes, agriculteurs en reconversion), et non plus calculée selon le nombre d’hectares ou les mises en place de bonnes pratiques. Par ailleurs, le budget de la PAC (347 Md€) devrait être sanctuarisé, afin de ne pas détériorer le seuil de revenus des agriculteurs ;

    • financer la transition : Des fonds publics, issus de la BEI (qui a inscrit l’agriculture parmi ses priorités stratégiques dans sa feuille de route 2024/2027), et des investissements privés devraient être mobilisés pour financer la transition des agriculteurs ; par ailleurs, un Fonds de Transition juste, hors du périmètre financier de la PAC, devrait permettre de subventionner les bonnes pratiques écosystémiques, telles que l’agrobioécologie ou l’agriculture régénérative ;

    • promouvoir la compétitivité et la durabilité dans la politique commerciale de l’UE : les pratiques commerciales mises en place dans les traités de libre-échange ne devraient pas pouvoir entraîner de concurrence déloyale ou d’asymétrie de la part des producteurs des pays partenaires. Par ailleurs, l’UE devrait assumer plus fortement son leadership au sein de l’OMC ;

    • orienter le choix facile vers le sain et durable : les politiques et les distributeurs devraient appuyer la tendance observée des consommateurs à substituer des protéines végétales aux protéines animales, par différents moyens : étiquetage, publicité envers les enfants, effet prix ;

    • soutenir des pratiques agricoles durables : le Dialogue stratégique appelle à la création d’un fonds pour la restauration de la nature doté de ressources suffisantes (en dehors de la PAC) afin d’aider les agriculteurs et les autres gestionnaires de terres à restaurer et à gérer les habitats naturels au niveau du paysage. L’agroécologie et l’agriculture biologique sont à promouvoir, dans l’ensemble de la filière ;

    • réduire les émissions de GES provenant de l’agriculture : En mettant en place des indicateurs et des benchmarks avec d’autres secteurs, le monitoring et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) seraient facilités. En revanche, l’intégration du secteur agricole dans le marché des quotas d’émissions de carbone serait prématurée ;

    • créer des voies pour l’élevage durable dans l’UE : il est essentiel d’accompagner financièrement les investissements visant à limiter les émissions de ce secteur, et de trouver des solutions de long terme pour limiter les exploitations intensives. Par ailleurs, il est nécessaire d’accélérer les politiques de prise en compte du bien-être animal;

    • mieux préserver et gérer les terres agricoles, promouvoir une agriculture résiliente aux problèmes liés à l’eau, mettre au point des approches innovantes en matière de sélection végétale : la Commission européenne devrait établir un objectif visant le « zéro artificialisation nette des terres d’ici à 2050 » ;

    • promouvoir une gestion solide des crises et des risques ;

    • développer un secteur rural attrayant et diversifié : le renouvellement des générations, la refonte des systèmes éducatifs, la promotion de la parité doivent être promus ; de même, la revitalisation des zones rurales devrait faire l’objet d’un contrat rural européen ;

    • améliorer l’accès à l’innovation et le partage des connaissances : tant chez les agriculteurs que les industriels, le partage de l’innovation permettrait de générer de nouveaux profits, et d’accélérer les transitions à mener. Les partenariats publics / privés, dans les secteurs innovants, sont à multiplier ;

    • une nouvelle gouvernance, et une nouvelle culture de coopération : sur le modèle du Dialogue ayant établi ce rapport, un Comité multipartite, représentatif de l’ensemble des maillons de la chaîne agroalimentaire, devrait veiller à prolonger et à enrichir l’approche mise en place dans le cadre du Dialogue.