Affichage d’origine, entre opportunité et casse-tête pour les filières alimentaires
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Le collectif En vérité, qui rassemble une soixantaine de marques alimentaires de toutes tailles, présentait le 9 octobre les résultats d’une enquête sur l’affichage d’origine des aliments. Avec des résultats attendus : oui, le consommateur montre de l’intérêt pour cet enjeu. Reste la question, épineuse, de la mise en place d’un tel affichage.
Le consommateur veut savoir d’où viennent ses aliments. Une nouvelle étude vient le confirmer. Commandée par En vérité, elle a été présentée le 9 octobre. La vocation de ce collectif est d’œuvrer pour la transparence des produits alimentaires. Après avoir sondé les consommateurs sur l’enjeu de l’affichage environnemental, En vérité a donc récidivé sur la thématique de l’origine. Les résultats montrent, sans surprise, une appétence forte du consommateur pour l’information d’origine. 86 % des sondés jugent cette précision importante, ce qui en ferait la troisième préoccupation du panel derrière le prix et la marque.
En Vérité veut une loi
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Le logo suggéré par En vérité consiste en un diagramme représentant l’origine des ingrédient, et un symbole précisant le pays de transformation, le cas échéant.[/caption]
Les sondés ne se montrent pas totalement satisfaits de l’information dont ils disposent à date, la notant en moyenne 6,5 sur 10. Pour David Garbous, président du collectif, le message est clair : « Il y a une vraie attente des consommateurs, et une vraie marge de progression pour nous, les filières. » En vérité a été jusqu’à soumettre un logo de son cru aux consommateurs interrogés. Celui-ci séduit globalement, jugé facile à lire et à comprendre, et surtout vecteur de crédibilité pour 55 % des sondés. Testé sur du ketchup, un yaourt à la fraise et des haricots verts, ce logo aurait un effet réel sur l’acte d’achat, quoique variable selon les produits.
Armé de cette étude, le collectif compte bien convaincre le législateur d’imposer l’indication d’origine sur tous les produits alimentaires. La prochaine loi d’orientation et d’avenir agricole, qui devrait être étudiée en décembre par le Parlement, est identifiée comme une fenêtre de tir intéressante. « Notre idée est aussi de porter nos propositions au niveau européen », affirme David Garbous. L’eurodéputée Irène Tolleret (Renew) serait déjà prête à défendre cette cause. Les parlementaires ne seront toutefois pas les seuls à convaincre.
L’appro n’est pas une science exacte
En effet, l’affichage obligatoire de l’origine serait aussi un défi important pour… les filières alimentaires françaises, en premier lieu. Les approvisionnements ne sont pas une science exacte. Plusieurs participants à la restitution en témoignent : en cas de mauvaise année en France, les marques doivent se fournir ailleurs. « Les saisons, les conditions climatiques, ne sont pas négociables », précise Nicolas Facon, DG de d’aucy. Cette marque de la coopérative Eureden se veut pionnière de la transparence. « Cette politique nous a déjà amenés à afficher un drapeau espagnol sur des bocaux de tomates séchées, raconte Nicolas Facon. Certains distributeurs ont tiqué, craignant que les consommateurs boudent ce produit. »
Car la transparence vaut dans les deux sens. Les producteurs travaillant avec Eureden ne suffisent pas à faire face à la demande du marché en haricots. Une partie des bocaux de d’aucy, certes faible, est remplie de haricots de Madagascar. Les tests réalisés par En vérité montrent bien qu’afficher cette réalité fait reculer les intentions d’achat. « Nous sommes en mesure d’expliquer notre démarche, répond Nicolas Facon. Ces haricots ne concurrencent pas la production française, ils la complètent. » Mais comment expliquer les subtilités de cette démarche sur un packaging déjà très chargé ?
Packaging figé, réalité fluctuante
Bastien Fitoussi, responsable filières biologiques à La Coopération agricole, reconnaît que face à la crise que connaît le bio, combinée à une tendance « locavore », l’indication d’origine serait la bienvenue pour rassurer un consommateur réticent à importer du bio. « En volaille bio, l’essentiel de ce qui est consommé en France vient de France, et ça ne se sait pas forcément », illustre-t-il. Mais il admet aussi qu’un packaging, par nature figé, ne permet pas forcément de formaliser une réalité fluctuante. « L’emballage est difficile à modifier en cours de saison, alors que pour faire face à la demande, une filière peut avoir avoir recours ponctuellement à l’importation, explique-t-il. Certains, alors que leur production est à 95 % française, seront tentés de ne pas afficher l’origine France pour ne pas risquer de se trouver en faute sur les 5 % restants. »
Ces difficultés sont un argument en faveur d’une solution intermédiaire, type QR code à scanner sur l’emballage pour suivre l’appro de chaque marque en temps réel. Une piste qui semble ne pas satisfaire complètement En vérité. « Les consommateurs font leur choix en trois secondes, en rayon », fait remarquer le président du collectif. Olivier Dauvers, journaliste spécialisé dans la grande distribution, estime qu’un premier pas serait d’obliger les marques à rendre l’origine des produits accessible : « Même si ce n’est pas sur l’étiquette, cette information serait accessible aux associations de consommateurs et lanceurs d’alerte, qui sauront attirer l’attention sur les marques qui ne jouent pas le jeu de l’origine française. »