Alimentation animale et méthanisation, une concurrence de plus en plus vive
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Les acteurs de l’alimentation animale voient la montée en puissance de la méthanisation avec circonspection. Ce débouché représente une concurrence pour les matières premières dont ils ont besoin. Le sujet a été abordé lors du congrès de Négoce Nord-Est, le 28 avril à Reims.
Le congrès de Négoce Nord-Est, organisé le 28 avril à Reims, mettait en avant la thématique de la bioéconomie. Un terme derrière lequel se cache bien des filières, dont la méthanisation, revenue régulièrement dans les débats. L’occasion de mettre en avant un enjeu montant : la concurrence, pour certains gisements de biomasse, entre les cuves d’un côté, et la transformation en alimentation animale, de l’autre. Un phénomène qui inquiétait déjà le Syndicat national des industriels de la nutrition animale (Snia) et FranceAgriMer à l’été 2022.
« 30 % d’approvisionnement perdu »
« Ces trois ou quatre dernières années, 30 % de la matière première que nous utilisions ont changé de débouché pour aller en méthanisation, a précisé à Référence agro le représentant d’un négoce engagé dans l’alimentation animale, qui ne souhaite pas que sa structure soit citée. Nous ne sommes plus en mesure de servir l’ensemble des éleveurs. » Jean-Claude Coisnon, dirigeant du groupe Coisnon, était sur scène pour évoquer son projet de méthanisation, mis en fonctionnement en mai 2023. Il a reconnu : « C’est vrai, sur les gisements locaux, nous avons tout raflé. »
Sanctuariser l’alimentation animale…
Plusieurs intervenants ont admis que les différentes voies de valorisation de la biomasse créent nécessairement une forme de concurrence. Béatrice Moreau, vice-présidente de la Région Grand Est, réagit : « On ne peut pas reprocher aux agriculteurs, ou aux négociants, de réfléchir au débouché le plus rémunérateur. Dans une région comme la nôtre, très en pointe sur la bioéconomie, nous devons réfléchir au partage de la ressource. » De son côté, Anne Desveronnieres, vice-présidente bioéconomie du Grand Reims, a accusé réception de cette thématique : « Peut-être devons-nous sensibiliser nos élus, nos députés, pour envisager de sanctuariser une partie des gisements, si l’approvisionnement des élevages est en jeu ? »
…ou renouveler les modèles d’affaires ?
Un levier sur lequel Béatrice Moreau est plus réservée. « L’enjeu de la concurrence entre certains débouchés avec l’alimentation humaine a tendance à cannibaliser le débat politique, estime-t-elle. Il n’est peut-être pas souhaitable de le complexifier en ajoutant la notion de concurrence entre plusieurs de ces débouchés. » Élodie Colin-Petit, directrice du développement commercial chez Malteries Soufflet, abonde. Selon elle, il est logique que les prix proposés dictent le choix des opérateurs. Elle suggère donc « que le secteur de l’alimentation animale explore de nouvelles pistes de valorisation, il y a sans doute de nouveaux modèles à imaginer ! »